Sauf-conduits pour les pays rhénans

Le 21 Mai 1919

Mon petit chéri,

J’ai reçu hier soir ta mignonne lettre du 16. Je vois que l’on vous fait toujours travailler. Une heure ½ de vol, cela commence à compter ! Tu as dû en faire, du chemin !

gerbe dor

Moi, hier, je me suis bien promenée aussi. J’ai été d’abord à la Gerbe d’Or, porter la montre de Gertrude. Tu penses si j’ai eu l’air bête ! On me l’a tout simplement frottée avec une peau et la montre est à présent d’une blancheur éclatante ! Je vais lui écrire pour lui demander comment faut-il lui renvoyer. Par la poste, j’ai peur qu’elle se perde.

Ensuite, j’ai été à la Samaritaine à pieds chercher des bas pour ma femme de ménage, puis au Louvre. Ensuite, j’ai pris la rue Richelieu et j’ai été jusqu’au Journal, chercher si je trouvais l’article dont Marie-Louise m’avait parlé. J’ai très bien trouvé. En effet, à partir du 15 dernier, on peut circuler en pays rhénans avec un sauf-conduit délivré par le commissaire de police.

Les autos aussi ont le droit de circuler, mais toujours munis d’un sauf-conduit. Inutile de te dire, petit Loul, que cet article m’a laissée plutôt rêveuse… tu dois bien le penser !

Tantôt, je vais me décider à aller voir le dentiste, ensuite j’irai voir Mme Bouchet. As-tu des nouvelles de Marcel ? Ils ont dû faire des balades en moto par ce beau temps-là, les veinards !

Pierre est toujours en permission jusqu’à Lundi matin. En ce moment, il se paye du démontage et du remontage d’auto, en veux-tu-en-voilà ! Hier, nous avons dîné à près de 8 heures. Ton père et lui étaient acharnés à la voiture. Ils démontent les ressors pour les graisser.

Je vais te quitter petit Loul pour prendre le cabinet de toilette, on attend après moi.

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon mignon Loul chéri les plus douces tendresses et les meilleurs cerises de ta petite gosse qui trouve le temps bien long loin de toi,

Mino

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