Moins sages que l’autre jour

31-08-17

Le 31 Août 1917

Petit Loul chéri,

J’ai reçu avec grand plaisir hier au soir ta mignonne lettre du 28. Pauvre chéri qui était tout mouillé en arrivant à Montdidier. J’en suis toute désolée. C’est un peu à cause de moi. Surtout tu t’es changé tout de suite ? Avais-tu ton costume que tu avais ici ? Ou bien un nouveau que tu devais acheter ? J’espère que tu n’as pas pris froid.

Ça ne m’étonne pas que tu as eu si vilain temps. Ici, nous n’avons pas pu sortir de la journée. Heureusement à présent, il fait plus beau, pas de soleil mais pas d’eau non plus.

Je suis contente que tu sois resté à MontDidier, je serai plus tranquille. Je comprends que tu ne t’amuse pas si tu es seul sans camarade, mais cela te repose un peu, et pendant ce temps, tu n’es pas en danger. Vas-tu y rester longtemps . Cela ne retardera pas ta permission ?

Reçois-tu malgré tout mes lettres ? Surtout ne va pas exprès à Montdidier pour mettre mes lettres, mets-les dans un secteur. Je suis sûre que le camp d’aviation est assez loin de la ville et que tu te payes 5 ou 6 kilomètres pour moi.

Montdidier

Je t’écris encore dans le jardin. Mlle Suzanne et moi aimons beaucoup faire notre correspondance en plein air. Hier soir, elle nous a bien fait rire. Elle est très gosse. Elle ne comprend pas que l’on ait le coup de foudre la première fois que l’on rencontre quelqu’un. Aussi, elle nous disait : “Quand donc aurais-je ce diable d’amour !!! Je ne peux pas y croire, ça ne viendra jamais.” Après, c’était : “Moi je ne sais pas faire la cour à un homme.” Tu parles si on se tordait. Gertrude qui n’y comprend goutte se tordait dans sa serviette.

Maintenant, on ne peut plus rien faire ici sans attendre. C’est la faute à ce diable d’amour. Cette nuit, il parait que toutes les deux, nous avons fait que de remuer comme des sauterelles ! Aussi, ce matin, on nous a demandé si c’était ce diable d’amour qui nous travaillait. Moi, ça n’a rien de drôle que je remuais. J’ai fait un rêve épatant pour changer. Nous étions tous les deux dans une belle petite villa. Dans notre chambre et dame, on était moins sages que l’autre jour (c’était un soir). Aussi rien de drôle si je remuais !!!

Avec ça, hier au soir, j’ai appris à Mlle Suzanne à monter en bécane. Aussi j’étais très fatiguée, ça m’avait un peu énervé. Elle est épatante, au bout de trois fois, elle allait toute seule. Elle monte toute seule aussi, il n’y a que pour tourner que ça va mal. Maintenant qu’elle sait, sa mère va lui en louer une et nous ferons des ballades ensemble. Il y a eu quelques bûches pour commencer. La première, tu aurais ri. Elle était tombée les jambes en l’air sur le guidon et la tête dans un fossé, moi par dessus elle avec les mains sur son ventre. Avec ça, il passait des charrettes avec du monde. Aussi, après m’être relevée, au lieu de l’aider à en faire autant, je riais comme une petite folle, la laissant dans sa position académique. Nous avons bien ri !!!

On est aujourd’hui Vendredi. Depuis Mardi, je n’ai pas été voir Yvonne. Elle doit se demander ce que je deviens. Je l’ai rencontré au marché Mercredi, je lui avais promis d’aller la voir hier et ma foi, je n’ai pas eu le temps. C’est très drôle ici, je n’ai le temps de rien faire, une matinée est tout de suite passée. Nous avons pris l’habitude d’aller faire une petite promenade la matin, de 10 heures à midi pour nous donner de l’appétit. J’ai juste le temps de me lever (8h) de déjeuner et de m’habiller et nous partons. Nous revenons, il est midi et bien l’après-midi, j’écris, je porte les lettres à la gare et il est l’heure de dîner. Comme ça passe vite à côté de Paris. Et encore, je ne fais pas tout ce que je voudrais. Depuis Mardi que j’ai reçu une lettre de Suzanne, je n’ai pas eu le temps de lui répondre. Enfin, je vais prendre mon courage à deux mains et je vais lui écrire tout de suite.

Madame Fleuriel ainsi que ses cousines me prient de te présenter un gracieux souvenir. Sa cousine veut absolument qu’après la guerre nous allions les voir à Tours pour nous faire gouter le vin blanc de leurs vignes. Nous n’en sommes pas encore là !!! A moins que…..Non, je n’y pense pas, ça serait trop beau !!!!!!!

En espérant que tu n’as pas pris froid l’autre jour en voyageant, je te quitte Loul adoré en t’envoyant les plus douces caresses de ta gosse qui est folle de toi,

Mino

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