Le 13 Novembre 1918

Mon petit Loul Aimé,

Je n’ai rien reçu ce matin. J’ai hâte de recevoir de tes nouvelles, afin de te savoir en bonne santé. Ta dernière lettre était du 8. J’en voudrais une du 11 afin d’être tout à fait tranquille. Et toi, reçois-tu de mes nouvelles ? J’espère que oui.

Hier tantôt, par curiosité, j’ai été sur les boulevards. J’avais pris l’autobus pour ne pas être bousculée et pour mieux voir. J’ai été chocolat : la circulation étant interdite sur les boulevards, l’autobus a pris un autre chemin, des petites rues qui longent les boulevards. Ça ne fait rien, c’était joli tout de même. Je n’ai pas regretté mon argent, car je voyais très bien, sans me faire marcher sur les pieds. J’ai été jusqu’à la Madeleine et là, je suis restée un bon moment à regarder les gens manifester. J’ai voulu aller jusqu’à la Concorde, impossible ! C’était noir de monde ! La rue Royale était bloquée. Je me suis trouvée coincée devant la Madeleine et je n’ai plus bougé.

Je suis revenue par l’autobus. Il faisait nuit, mais quelle nuit ! Tout était illuminé, on voyait clair comme en plein jour. Je n’en revenais pas. Je ne pouvais pas croire que c’était ainsi avant la guerre. C’était bien joli ! Quel dommage que mon chéri n’ait pas été avec moi !

Enfin, lorsque tu viendras en permission, nous reverrons tout ça ! Gabrielle me disait avant-hier que les permissions seraient de 23 j à présent. Ça serait très chic, si c’était vrai ! Le crois-tu, dis chéri ?

Maman vient de me charger d’une commission. Tu diras à Pierre qu’il écrive à ton oncle Louis. Voici son adresse : Rue de Sébastopol à Commantry. Nous venons de recevoir de ses nouvelles. Ta tante  vient d’être malade. Elle va mieux à présent. Elle espère bientôt rentrer.

Maman est très raisonnable à présent. Voici plusieurs jours qu’elle ne va plus à son Hôpital. Elle se soigne sérieusement. Elle a raison, car elle était bien fatiguée.

Tout le monde me charge de bien t’embrasser ainsi que Pierre.

En attendant impatiemment de bonnes nouvelles, je te quitte mon Amour de Loul en t’envoyant une corbeille de bien douces cerises et une foule de tendres câlineries de ta gosse qui t’adore chaque jour d’avantage,

Mino