Nouvelle alerte

Le 9 Mars 1918

Mon tout petiot chéri,

Hier soir, nous avons eu une nouvelle alerte. Mon père était rentré très tard, 20h20 et nous finissions de dîner lorsque les premières sirènes se sont faites entendre.

pompiers

Cette fois-ci, les pompiers ne sont pas passés. Dans les journaux, on nous avait dit prévenus qu’en cas de nouvelle alerte, les sergents de ville, dans les commissariats, seraient pourvus de sirènes qu’ils actionneraient en remplacement des pompiers, qui pourraient aller beaucoup plus vite au secours des quartiers bombardés. Donc, hier, ce sont les sirènes des sergents de ville qui ont fonctionné. Ça fait une différence avec celle des pompiers. C’est beaucoup moins sonore. Avec ça, nous nous trouvons assez éloignés d’un commissariat, aussi, il a fallu prêter beaucoup d’attention, afin d’entendre. C’était très sourd, mais très prolongé, aussi c’est ça qui nous en a fait apercevoir.

Aussitôt, extinction du gaz partout. Et nous nous sommes tenus dans la salle à manger, éclairés juste avec une lampe à pétrole. Moi, toujours assise à côté de la cheminée et mon père debout près de la fenêtre. Chaque fois, nous reprenons notre même poste de combat !

Pour comble de malheur, mon père était de mauvaise humeur. Aussi ce n’était pas drôle. Enfin, heureusement,  je reste toujours très calme. C’est plutôt drôle pour une personne si peu nerveuse que moi.

Je me suis mise à lire le journal bien tranquillement, et la canonnade a commencé. Mon air calme a calmé mon père qui n’a plus rien dit. Ce dont je n’étais pas fâchée. Lorsque ça a commencé, il était 21h¼. A dix heures, toujours le canon et pas d’éclatement de bombe. Ça commençait à être long. Ayant lu mon journal entier, je ne savais plus que faire. J’aurais bien cousu un peu, mais de rester inerte, j’étais gelée. Pourtant, j’étais entièrement habillée, un manteau de laine en plus et mon grand manteau par dessus.

Je me suis assoupie sans m’en apercevoir, et j’ai été réveillée brusquement par le bruit d’une chute de bombe. Mais alors tout près ! En effet, ce matin, j’ai su que c’était tombé sur l’église du quartier, 2 rues derrière la maison ! C’est de cette église que nous attendons sonner l’heure.

ste marguerite

Là, ça s’est mis à tomber un assez long moment, il était 10h30 et je me suis rendormie et ainsi de suite chaque fois qu’une bombe tombait près. Je ne sais pas ce que j’avais, mais mes yeux se fermaient tout seuls. Enfin, à minuit, on n’entendait plus rien, et à minuit 20, les pompiers sont passés sonnant la berloque. Cela avait duré en tout 3h35. Ce qui a été relativement long !

Avec quel bonheur, j’ai été me coucher ! Je n’ai fait qu’un somme jusqu’à ce matin. Mais je me suis réveillée avec un mal de tête pépère et toute courbaturée. Enfin, ça c’est un détail, d’ici ce soir, ça se passera. J’espère qu’ils ne reviendront pas !

Avec tout ça, ce matin, j’ai été chocolat. Je n’ai pas eu de nouvelles de mon tout petiot, j’ose espérer qu’il ne va pas plus mal et que ces vilains boutons ont disparu.

Dans cet espoir, et dans l’attente d’une mignonne lettre, je t’envoie mon Aimé, une grosse branche de bien douces cerises de ta sale gosse,

Mino

PS : J’ai vu encore un sale cheval pie, ce matin

 

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