Des bottes de daim gris

Le 5 Février 1918

Mon petit Loul Aimé,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 2. Je suis contente que tu sois enfin rassuré sur mon sort. J’étais auprès du feu et il était allumé. En plus de ça, j’avais sur ma chemise de nuit la robe à Marie-Louise, mon manteau de laine et mon grand manteau par dessus tout. Tu vois d’ici le tableau. Je crois que je ne pouvais pas attraper froid.

Si j’avais été forcée de me sauver, ça aurait été drôle, car ma chemise de nuit aurait dépassé. Enfin, il n’en a été rien heureusement.

Hier, j’ai été chez toi. Tes parents n’ont pas eu peur du tout. Il faut dire qu’ils sont très braves. Pas comme ma pipelette qui a été se calfeutrer dans la cave !!!

Madame Sevette m’a dit que maintenant que Pierre  était avec toi, tu n’écrivais plus. C’est sans doute pour en dire plus long à sa gosse, dis, petit ?

J’ai vu un cheval pie  ce matin !!! C’est sans doute bientôt que mon Loul va venir.

Tantôt, je vais voir Marie-Louise. Nous devons passer un petit marché ensemble. Elle doit me vendre des bottes de daim gris. Je ne sais pas si je vais me laisser tenter. C’est si peu cher, 25f, que je vais sans doute me laisser faire. Surtout que j’ai vendu ma robe de taffetas 75.

Sur ce, je te quitte pour aller au rendez-vous.

En espérant que tu te portes toujours bien. Je t’envoie mon Loul Aimé de gros baisers de ta gosse qui t’adore,

Mino

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