Les aiguilles de ma montre se reposent

Le 29 Janvier 1918 – 13h½

Mon tout petit chéri,

Me voici encore une fois seule ! Il n’y a que deux heures que je t’ai quitté et cela me parait déjà un siècle ! Enfin, je t’ai promis d’être sage. Je fais tout mon possible pour l’être.

Je suis bien rentrée à la maison à midi tapant. Auparavant, j’ai été avec Monsieur Sevette faire deux petites courses à l’Opéra. J’ai un tout petit peu pleuré en déjeunant, mais j’ai bien vite refoulé mes larmes afin de ne pas manquer à ma promesse. Cela n’empêche pas que je m’ennuie beaucoup. Enfin, je ne suis pas la seule, car de ton côté, je suis bien certaine que tu dois faire triste mine dans le vilain train qui t’emporte loin de moi. J’espère que tu auras trouvé une bonne place et que ton voyage se sera bien passé.

Je vais recommencer à attendre tes mignonnes lettres avec grande impatience, la seule joie qui me reste lorsque je suis loin de toi. Aussi j’espère bien en avoir une Jeudi soir.

Tantôt, je ne sais quoi faire ! Cette longue après-midi m’effraie et je me demande si elle aura une fin. Je trouve que les aiguilles de ma montre tournent bien doucement depuis tout à l’heure. C’est peut-être pour se reposer d’avoir marché si vite depuis plusieurs jours.

heures d'amourJamais permission ne m’a parue si courte. Il me semble que tu viens d’arriver. Je me vois encore lorsque j’ai été t’ouvrir chez la couturière… pour moi, c’était avant-hier, à peu près. Ce n’est pas assez dix jours. Je trouve qu’il faudrait au moins un mois. Et pour bien faire, qu’elle n’ait pas de fin !!! Dis petit ?

Sur ce, je te quitte une seconde fois, petit Loul en t’envoyant de nombreux baisers de ta sale gosse qui ne peut plus se séparer de toi,

Mino

PS : Bien des choses aimables de ma part à Pierre

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