Je me dégoute

Le 11 Novembre 1917

Petit Loul Aimé,

J’ai reçu hier soir 2 mignonnes lettres du 7 et 8. Je vois que tu es toujours au Plessis. Je suis contente que tu puisses voir Pierre, comme cela, tu t’ennuies moins et tu te trouves moins seul.

Moi, aujourd’hui, il me semble que j’ai attrapé ton cafard. J’en ai un, quelque chose de pépère ! Il y avait bien longtemps que je l’avais eu  ! J’espérais tant te voir aujourd’hui, et puis rien, une désillusion ! A 8 heures tapant, j’étais habillée, toute prête à sortir et j’ai attendu jusqu’à 9h, là, je suis descendu faire mon marché, j’avais, je t’assure, le coeur bien gros, enfin j’espérais toujours.

A 11h, n’y tenant plus, j’ai été téléphoner chez toi pour savoir si tu étais là. Malheureusement, Nounou m’a répondu négativement. Elle m’a appris que Pierre était venu hier soir et reparti ce matin à 9h50. Si seulement tu avais pu en faire autant. Elle m’a dit aussi que Pierre avait dit que tu ne pouvais pas venir du tout que tu étais obligé de rester sur la piste, ce qui doit être loin d’être drôle.

Aussi, je suis rentrée complètement désolée. Moi qui n’avais pas pleuré depuis longtemps, je m’en suis payée. Tantôt, je ne sais que faire de moi, je me dégoute. Germaine m’a demandé d’aller avec elle pour acheter un chapeau. J’ai autant envie de sortir comme de me mettre à l’eau. Si mon chapeau lui plait, je vais lui vendre. Comme cela, nous n’aurons pas besoin de sortir.

Je sais que c’est très mal de me mettre dans cet état-là, mais mon petit Loul, il ne faut pas m’en vouloir. J’espérais tant te voir. Tu ne m’y faisais pourtant pas compter, mais j’avais cette idée-là dans la tête. Enfin, il faut espérer que demain ça ira mieux.

En attendant une gentille lettre et en te souhaitant une bonne santé, je t’envoie mon petit Loul chéri de bien doux baisers de ta bien triste

Mino

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