Bain de pieds forcé

Le 7 Septembre 1917

Petit Loul Aimé,

Ce matin, j’ai eu le plaisir de recevoir ta gentille lettre du 4. Je commençais à m’inquiéter, cela faisait 2 jours entiers que je n’avais rien de toi.

Pauvre petit Loul ! Tu me demandes pardon. Pourquoi ? Je ne t’en veux pas du tout, mon pauvre petit Coco !!! C’est à moi seule que j’en veux de t’avoir privé de moi pendant 3 jours. C’est de ma faute si nous ne nous sommes vus et non de la tienne. Je sais très bien que tu as été le premier ennuyé lorsque tu as su que tu pouvais venir et que j’étais pas là. Je n’ai aucun  reproche à t’adresser, au contraire, je trouve que tu as très bien fait et je ne veux pas que tu te prives inutilement d’une autre permission à cause de moi.

Si tu dois revenir, dis-le moi. Je suis restée suffisamment de temps pour pouvoir rentrer. Même que tu viendrais pour 24 heures et que tu le saurais la veille, télégraphie-moi immédiatement. Je prendrais le premier train, quitte à passer par Le Mans. D’ailleurs, j’attends la date de ta grande permission pour rentrer. C’est à toi de fixer la date. Je te l’ai déjà demandé dans mes précédentes lettres. Je suis prête à rentrer de suite. Depuis Dimanche dernier, je ne vis plus, aussi je préfèrerais rentrer le plus tôt possible. Je craignais qu’une chose, c’est que ta permission soit pour le 6, comme tu est rentré le 4, je me disais : “Loul n’aura pas le temps de me prévenir et je le raterai encore de quelques jours.”

Ce qui m’ennuie le plus, c’est de voir que mes lettres ne te parviennent pas vivement. Moi qui voudrais tant avoir de suite les réponses à ce que je te demande. Ne pourrais-je donc pas écrire à une adresse plus directe ?

Quand à ce que mon père veut faire, je n’en savais rien du tout. Veut-il y aller tout de suite ou après mon retour ? Je ne m’en fais pas de mauvais sang pour la raison qu’il change souvent d’idées.

Nous avons un vilain temps aujourd’hui, aussi nous restons enfermés. Monsieur Fleuriel repart Lundi, aussi nous n’avons plus beaucoup de jour à pêcher. Hier, j’ai manqué de me jeter à l’eau. J’avais attrapé une grosse carpe. Elle était tellement lourde à tirer, qu’elle m’a entrainé dans l’eau et cassé ma ligne. Je l’ai vu se débattre à mon nez. J’en ai été quitte pour un bain de pieds forcé. La sale bête, je lui en veux. A midi, nous avons mangé le produit de notre pêche, c’était délicieux.

recette-carpe

J’ai vu Yvonne hier au soir, elle m’a emmené traire les vaches ou plutôt regarder. Elle m’avait donné des sabots, aussi elle se moquait de mon air gauche pour marcher.

J’espère que tu es en bonne santé et que tu ne t’en veux plus du tout.

En attendant impatiemment de tes bonnes nouvelles, je termine en t’envoyant mon petit Loul adoré mes plus tendres baisers.

Ta sale gosse qui ne pense qu’à toi,

Mino

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