Je mange, c’en est honteux !!!

Le 13 Août 1917

Mon petit Loulou aimé,

J’attendais depuis ce matin pour t’écrire, j’espérai que mon père m’aurait renvoyé une de tes lettres, arrivée hier, mais rien, alors je t’écris tout de suite. Je viens de lui téléphoner, il m’a dit qu’il en avait reçu une ce matin et qu’il me l’avait renvoyé aussitôt. Je l’aurai probablement ce soir. Il m’a demandé comment j’allais. J’ai dis : “Tout doucement.” Cela va très bien, mais je n’ai rien dit, de peur qu’il me fasse revenir tout de suite. Je le connais !!!

Moi je suis si bien ici que je ne tiens pas à m’en aller tout de suite. Je ne me sens plus fatiguée du tout. Je mange, c’en est honteux !!! Suzanne en était baba à midi. J’ai un appétit d’ogre. Il faut dire que Monsieur Sevette me sert des plats un peu là. Je cause et tout d’un coup, je regarde mon assiette, elle est pleine comme par enchantement. A midi, nous avions ta tante Paul Sevette qui est aussi ta marraine. Elle ne voulait pas croire que j’étais malade. Gabrielle qui vient d’arriver ne le croyait pas non plus. Ça fait rire de voir ma mine qui est si bonne et d’entendre dire : “Nous avons une petite pensionnaire à soigner, elle a de l’anémie.” Il est vrai que maintenant, cela va très très bien. Je n’ai pas envie de retomber si bêtement dans les pommes !!!

Madame Sevette vient de me trouver à l’instant dans ton bureau. Elle me prie de l’excuser, qu’elle ne pourra t’écrire aujourd’hui puisqu’elle a du monde et de te dire que tout le monde t’embrasse bien.

Moi je vais te quitter car Loulou vient d’arriver et Suzanne me prie d’aller près d’elles.

En espérant avoir ta gentille lettre ce soir et en espérant que ta santé est toujours bonne, je t’envoie mon Aimé les plus doux baisers de ta gosse qui t’adore,

Mino

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