Nous sommes bien gardés !

Le 19 Août 1917

Mon mignon Loul,

Aujourd’hui je n’ai naturellement rien de toi puisque mes lettres sont adressées chez toi. J’en aurai certainement deux demain. J’ai dit que l’on me les garde comme j’irai dire au revoir à tes parents demain, je les prendrai en même temps.

C’est effrayant ce que je m’ennuie depuis que je suis rentrée à la maison, pourtant je n’ai guère le temps, j’ai beaucoup de choses à faire. Je trouve le temps long !!! Ce n’est plus ça. Pourvu que je m’ennuie pas là-bas. Je sais bien qu’Yvonne sera très gentille pour moi, mais ça ne vaudra pas la Cité Nys. Je serai si loin de Paris !!! Malgré tout, je serai encore mieux qu’à la maison, car je serai tranquille. Enfin, depuis hier, j’ai un vague cafard qui me travaille, aussi je ne suis guère gaie.

J’ai oublié de te dire que la dernière nuit passée chez toi, nous avons eu une alerte d’avions ennemis. Il était 3h10 lorsque les pompiers sont passés dans ton quartier. J’ai été réveillée en sursaut, aussi j’ai appelé Suzanne qui s’était levée pour regarder à sa fenêtre. J’ai été la rejoindre, mais nous n’avons rien vu et nous nous sommes recouchées. C’était simplement un avion français qui avait oublié de faire les signaux convenus au retour d’un bombardement. On peut dire que nous sommes bien gardés !

J’ai reçu ce matin une carte d’un revenant ! Devine qui ? Marcel Seng !!! Je me demande comment il a fait pour faire ce tour de force. Il doit être certainement malade d’avoir écrit ce mot. Il m’envoie une carte épatante. C’est bien joli là-bas !!! Le veinard de Cécelle !!!

J’ai reçu aussi hier une longue lettre de Marie-Louise. Elle a été déjeuner à bord de la canonnière de son filleul. Cela l’a beaucoup amusé. Elle rentre bientôt. La semaine prochaine je crois et moi je ne serai pas là. Ah la la. Quelle déveine d’être tombée malade !!!

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon petit chéri les plus tendres baisers de ta bien triste

Mino

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