Je pars en exil

Le 18 Août 1917

Mon petit Coco chéri,

Je t’écris à la maison où je suis tristement rentrée ce matin à 11h½. Avec quel chagrin j’ai quitté la Cité Nys !!! Tes parents n’arrivaient pas à me consoler ! Quel changement avec ici. Depuis que je suis rentrée, je n’ai pas encore eu le temps de m’asseoir que maintenant pour t’écrire et il est déjà 5 heures. Aussi, je me sens un peu fatiguée. L’ouvrage ne manque pas, huit jours que je n’étais pas là !!!

Avant mon départ, j’ai eu le plaisir de recevoir ta mignonne lettre du 16 qui me rend bien perplexe. Qu’est-ce que je dois faire et qu’est-ce que je ne dois pas faire ? J’ai trouvé sans chercher une solution : rester à Paris comme cela je serais sûre de te voir, mais tout le monde me dit de m’en aller, qu’il sera toujours temps de me faire revenir. Qu’il faut absolument que j’aille à la campagne. Alors je pars tout de même, mais combien inquiète !!! Je sens que je vais m’ennuyer à mourir avec l’idée que tu peux être à Paris sans moi ! Je verrai si au bout de 8 jours je m’embête de trop, je reprends le chemin de fer.

Ce qui me décide à partir, c’est que si jamais je retombais malade, mon père et tes parents me diraient que c’est de ma faute. Suzanne m’a raisonné et m’a dit que si je ne me changeais pas d’air, je pourrais être plus malade cet hiver. Alors le jour n’est pas changé, c’est toujours pour Mardi 21. On peut dire que j’y vais uniquement pour ma santé, et non pas pour m’amuser.

Hier, j’ai été pour retenir ma place, mais inutilement, on ne donne pas de billet pour ce train omnibus. Alors je le prendrai Mardi avant mon départ. Il me semble que je pars en exil, je n’ai aucun goût à préparer mes affaires.

C’est bien ma veine !!! Je pouvais partir à la fin de Juillet avec Marie-Louise, je serais déjà rentrée. A ce moment là, mon père s’entêtait à ne pas que je parte, maintenant qu’il faut que je m’en aille, tu vas peut-être venir, mon père veut bien que je parte et c’est moi qui n’y tient plus du tout. Mon pauvre Lou, je n’ai pas de chance !

Enfin, le sort en est jeté, Mardi matin à 8h35 je quitterai Paris. J’espère qu’un petit bleu de toi me rappellera aussitôt.

Là dessus je te quitte mon petit chéri car je ne suis pas très en avance pour le courrier.

En espérant que tu es en bonne santé, et que ma lettre te trouvera au repos, je t’envoie mon Loulou adoré les plus doux baisers de celle qui s’inquiète bien,

Mino

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