Le 23 Juillet 1917

Mon petit Lou Aimé,

Je suis désolée ! Je ne pars pas à Beg-Meil. J’ai reçu deux lettres de Marie-Louise ce matin. Dans la première, elle me dit qu’elle a de la place pour moi. Qu’elle est très heureuse de penser que je vais aller la retrouver et me dit de venir le plus tôt possible. Comme tu vois, ça allait trop bien. Mais hélas ! Il y avait la seconde. Dans celle-là, elle m’annonce qu’elle a été forcée de quitter Beg-Meil car sa mère recommençait à se trouver malade. Le médecin lui avait interdit la mer. Et qu’elle a été obligée de s’éloigner jusqu’à Quimper, mais qu’elle espère quand même que je viendrai. Cette ville étant à 20km de la mer, nous pourrions y aller avec nos bicyclettes.

Cela n’a pas plu du tout à mon père, qui ne tenait déjà pas beaucoup à me voir partir et il m’a dit que pour aller s’enfermer dans une ville, c’était pas la peine de faire un aussi long voyage. Il n’y a pas moyen de le faire démordre de cette idée-là. Aussi, voilà mon voyage dans l’eau. Ça, c’est ma veine. Ça ne m’étonne pas. Moi qui me faisait une joie d’être tranquille et libre pendant un petit moment, tu penses combien je suis déçue ! Je viens d’écrire une lettre tout ce qu’il y a de plus désolé à Marie-Louise. Je lui dis qu’elle aurait pu attendre que je sois partie pour m’annoncer son retour à Quimper. Qu’une fois partie, mon père n’aurait rien dit et j’aurais pu profiter d’un bon moment qui ne se retrouvera pas. J’avais fait un tas de projets ! J’avais été jusqu’à penser que tu aurais pu venir passer une permission de huit jours près de moi et que nous aurions été que nous deux. Ça aurait été exquis. Enfin, c’est envolé, n’y pensons plus. Quand on n’a pas de veine, ça vous poursuit !!!

J’ai reçu pour me remettre ta gentille lettre du 21. L’histoire du colis m’a fort amusée. On peut dire qu’il a tout du ballot !!! Pan, pan !!! Heureusement qu’à la fin de ta lettre tu me dis que tu espères que mon père acceptera ma combinaison pour Beg-Meil !!! Hélas !

Je te quitte car il est 3h20 et je dois aller chez toi, vois d’ici à l’heure que je m’en vais arriver !

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon Loul mes plus doux baisers.

Celle qui t’aime follement,

Mino