C’est le Paradis que je quitte pour l’enfer !

Le 15 Juillet 1917

Mon petit chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 12. Tu as raison, mon Loul de ne pas me gronder si je suis si triste. Si tu savais tous les efforts que je fais afin de ne pas l’être d’avantage !!! Ainsi tout à l’heure, c’était plus fort que moi, je me suis mise à pleurer pendant au moins une demie-heure. Si tu te figures que mon père fait attention à moi, tu te trompes. Quand il m’a vu, il a été s’enfermer  dans sa chambre et il s’est couché ! Même pas à me demander ce que j’avais ! Il est vrai que j’aurais été bien embarrassée de lui répondre ! Il m’a dit ce matin qu’il restait à la maison jusqu’au 25. Quel cauchemar ! J’en suis malade d’avance. Dix jours à rester du matin au soir en tête-à-tête, c’est ma mort !!! Surtout que je n’ai plus l’occasion de sortir. Je ne peux pas dire que je vais voir Marie-Louise puisqu’elle n’est pas là. Germaine non plus puisqu’elle travaille. Aussi, c’est pour ça que je me désolais tout à l’heure. Et qu’il m’aurait été impossible de lui dire pourquoi. Quelles belles vacances je vais passer !

C’est moi qui voudrait bien m’en aller pendant huit jours toute seule auprès de Marie-Louise. J’en aurais bien besoin après ça. Je m’en moque, je lui demanderai, je verrai bien ce qu’il me répondra ! Après tout, je suis comme lui. Huit jours partie, ça n’est pas une affaire ! Je sens que si je ne me change pas les habitudes pendant quelques temps, je deviendrai enragée !!!

Encore plus que toi mon petit Lou, je m’habitue de moins en moins à être séparée de toi car lorsque tu es là, tous les ennuis que j’ai disparaissent. Lorsque tu t’en vas, c’est le Paradis que je quitte pour l’enfer !!!!

Enfin, beaucoup de courage, c’est ce que je me répète chaque jour.

J’espère que tu es toujours en bonne santé et que ton élève ne te donne pas trop de mal. Dans cet espoir, je te quitte mon petit chéri en t’envoyant mille tendresses de celle qui t’aime follement,

Mino

 

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