Violente colère de mon père

Le 30 Janvier 1917 – 21 heures

Mon petit chéri,

J’ai beaucoup de chagrin, aussi comme je dois tout te confier, je viens m’épancher près de toi. Ayant réfléchi depuis plus de 24h, je me décide, quoique navrée de te causer de la peine, à te faire savoir ceci.

Mon père a su que tu m’avais chargé de l’achat de tes chaussures. Il l’a su par un moyen bien simple : en lisant ta lettre. Comme il trouve à redire à tout, cela ne lui a pas plu. Il s’est mis dans une violente colère et pour ne pas changer d’habitude, c’est moi qui ai pris. Pauvre Lou chéri, en m’écrivant cela, tu étais loin de penser qu’involontairement, tu allais me faire avoir des ennuis. Surtout mon petit chéri, ne t’en veux pas, cela me ferait encore plus de peine.

C’est mon bien à moi, on ne devrait pas me le prendre. C’est ma consolation de toute une journée ces chères lettres. Mon père ne comprend pas que c’est à moi, rien qu’à moi et l’audace, lorsque j’ai fini de lire, de tendre la main pour en prendre connaissance. Jusqu’à présent, j’avais supporté ce contrôle, mais depuis hier, je me suis juré que plus une de tes lettres ne lui passeraient par les mains, même quand il sera là lorsque je les recevrai.

C’est fini, bien fini ! Enfin, n’importe qui n’admettrait cela, ce n’est pas juste !

Donc pour en revenir à mon histoire, il m’a dit que ce n’était pas moi qui devait faire tes commissions, que tu avais tes parents pour ça, enfin un tas de choses pas gentilles qui ne m’ont pas fait plaisir du tout. Je n’ai pu placer un mot, et ai été forcée d’entendre des choses qui m’ont brisé le coeur. Qu’est-ce que j’ai pris pour mon compte aussi !!!

Que je n’étais bonne à rien, que c’était malheureux de voir une jeune fille de mon âge ne pas travailler et se faire nourrir à rien faire, que je dépensais trop d’argent, que j’étais toujours à m’acheter des affaires. Enfin, j’en passe parce que ça m’écoeure. Mon pauvre Lou, je suis bien malheureuse !!! Ah ! Si je ne t’avais pas, je n’existerais déjà plus. Tu es toute ma consolation. Je n’espère que pour toi. Si tu savais comme il est doux de penser dans les mauvais moments comme je passe en ce moment, que malgré tout, loin de vous, quelqu’un pense à vous sans cesse et vous aime de toute son âme. C’est un baume pour une pauvre désolée comme moi.

Ah ! Mon petit chéri, quand tu reviendras, il faudra me faire oublier tout cela !

Quand je pense que je suis si heureuse près de toi, aussi quand je te quitte, cela m’est extrêmement pénible, j’apprécie tout le bonheur que je perds en te quittant. Après la bonne vie, c’est l’enfer pour moi, la preuve, voilà que ça recommence, et il y a 8 jours que tu es parti. J’ai pourtant assez de soucis en pensant à toi qui est en danger, sans avoir encore en plus des ennuis pour des choses futiles.

Alors mon père m’a refusé catégoriquement de m’avancer l’argent de tes chaussures. Aussi je me vois dans l’obligation de te demander, malgré que cela m’ennuie extrêmement, de m’envoyer l’argent et je t’enverrai les chaussures ensuite.

Je termine, il est fort tard, je suis couchée et la porte de ma chambre est ouverte afin d’avoir un peu de chaleur. Celle de mon père qui donne dans l’entrée est fermée, mais l’autre dans la salle à manger est ouverte, aussi il doit apercevoir ma lumière.

Bonsoir mon adoré, si tu étais là, je mettrais mes bras autour de ton cou et je m’endormirais mes lèvres contre mes lèvres.

Ta petite Mino

A demain matin, je continuerai

30-01-1917

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