Le 31 Janvier 1917

Mon petit Lou chéri,

Tu m’excuseras de mon petit mot d’hier. J’étais un peu pressée. J’ai préféré te mettre un tout petit mot plutôt que rien du tout. J’avais comme je te l’ai dit Loulou auprès de moi. Nous avons passé une très bonne après-midi ensemble. Suzanne est venue plus tard nous retrouver.

Hier, j’ai eu deux lettres de toi. Tu penses si j’étais contente. Une le matin et une le soir. En effet, les deux lettres que tu as reçu de moi, c’était un peu vieux comme nouvelles. J’espère qu’à présent tu en as de plus récentes. Ta première sortie annoncée m’a fait courir un petit frisson. Enfin, comme cela s’est bien passé, que le Boche n’a pas insisté, cela m’a un peu rassuré.

J’ai été ce matin chez Maxim’s pour tes chaussures. La maison se charge de te les envoyer contre remboursement. Cela simplifie beaucoup. Pas besoin de me renvoyer l’argent, tu n’as qu’à payer à la livraison. Je n’ai pas eu de difficulté pour la pointure. J’avais apporté une des tiennes, la vendeuse m’a donné le même numéro. Tu me diras si j’ai eu bon goût. Elles sont en box-calf de la même forme que tes dernières.

La vendeuse ne m’a pas conseillé les oeillets blancs, d’ailleurs il n’y en a plus que des dorés, elle prétend qu’elles ne sont pas si bonnes comme chaussures. En plus de ça, je trouver que ce n’est pas joli. La forme de ces chaussures-là fait un gros pied. Tu te rappelles, tu en avais essayé. Tu as même dis que c’était plus joli à la main qu’au pied. Ce qui est exacte.

Moi, j’aime beaucoup celles que j’ai choisi car elles ont un tout petit bout comme celles en drap. En plus de ça, elles doivent être très solides, le cuir est très beau.

Mon chéri, on vient de me rapporter tes chaussures, la poste n’envoie pas contre remboursement pour les militaires, j’ai du les payer. C’est donc à moi qu’il faudra renvoyer l’argent. J’étais juste en train d’écrire, on vient de sonner, heureusement que je n’avais pas fini ma lettre. Sans quoi tu n’y aurais plus rien compris. Comme cela elles ne mettront pas longtemps, je les ai redonné au jeune homme qui me les a apporté pour qu’il les envoye par la poste, il y avait déjà les timbres dessus.

Je te recommande surtout, tu sais mon chéri, c’est pas pour moi mais pour mon père, de me renvoyer l’argent le plus tôt possible. Mon père a trouvé à redire à ça aussi, je ne voudrais pas que ça fasse des histoires. Ce que je te dis, c’est entre nous.

Je te quitte car il faut que j’aille chez Madame Liotard ; et je ne suis pas en avance. Il tombe de la neige depuis ce matin, aussi à moi tout le bonheur.

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon Lou Aimé mes plus doux baisers,

Ta petite Mino