Le 14 Octobre 1916

Mon petit chéri,

J’ai reçu ce matin ta gentille lettre du 13. Quoique très gentille, cette lettre m’a donné le vaste cafard. L’idée de rester sans te voir pendant longtemps est loin de me plaire. C’est idiot de supprimer les permissions, celui qui a fait ça, si je le connaissais, passerait surement un mauvais quart d’heure. Il est sans doute pas mobilisé et ne sait pas ce que c’est de rester sans se voir lorsque l’on aime.

J’étais loin de m’attendre à ça !!! Après s’être vu pendant 8 jours, c’est dur. Surtout pour toi qui n’a aucune distraction. Enfin, espérons qu’un ordre nouveau supprimant celui-là va suivre. C’est quand même ce que je veux espérer car alors, quand nous reverrons-nous ? Oui comme tu dis, heureusement que tu a été chercher un coucou sans quoi on n’aurait pas eu l’occasion de se voir.

Aujourd’hui, je suis très mécontente de moi, je n’ai rien fait de la journée, cette nouvelle m’a enlevé tout mon courage. Cette petite sotte de Marie-Louise m’a porté la guigne en vantant tant ma chance, aussi comme je la vois demain, elle va prendre pour son rhume. Comme elle est déjà enrhumée, ça ira très bien.

Malgré tout, je suis toujours égoïste et je préfère que tu restes à Avord sans permission malgré que ce soit un gros sacrifice pour moi, que tu partes au front avec une permission de huit jours tous les 4 mois, là tu comprends, tu as moins de danger et je suis plus tranquille. Qu’en dis-tu chéri ?

Je vais terminer là ma lettre car je ne suis pas en avance pour la poste, il est 5h25 et le courrier par à 45. J’aurai pu t’écrire plus tôt puisque je n’ai rien fait de l’après-midi, mais j’attendais que mon cafard se passe un peu. Je suis en train de penser à notre après-midi de Samedi dernier, il était plus gai que celui-ci !

En attendant de tes nouvelles, et en espérant que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon petit Lou adoré les plus doux baisers de celle qui pense bien souvent à toi et qui voudrait être huit jours moins vieille,

Germaine