Une envie folle de dormir

Le 12 Octobre 1916

Mon petit Lou adoré,

J’ai reçu ce matin ta bonne lettre du 11 et j’ai été très heureuse d’apprendre ta nomination au grade de sergent. Malgré que cela se soit fait attendre, c’est tout de même arrivé. Je suis contente que tu aies fait un assez bon voyage.

Lorsque tu es parti, je craignais fort que tu sois obligé de t’arrêter en route. Pierre disait que ton moteur marchait mal. Nous t’avons très bien vu partir. Pour ma part, je n’ai pu m’empêcher d’avoir une petite émotion. Je ne t’ai pas vu bien longtemps après ton tour de piste, tu as disparu dans les nuages. Ton mouchoir n’a servi à rien : il était invisible. Avant de te voir disparaître, j’ai vu ton signe de main qui voulait dire au revoir.

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Après nous sommes partis. Je suis rentré à la maison vannée ! Je n’en pouvais plus. Je suis tellement paresseuse le matin que de m’être levée deux jours de suite à 6 heures, j’étais complètement perdue.

Pour me remettre, j’ai fait de la bicyclette le lendemain et encore hier. Je n’y aurai bien pas été mais j’avais peur que Suzanne et Loulou ne soient pas contentes. Hier soir, je n’en pouvais plus du tout, mes yeux se fermaient tout seuls aussi je ne me suis pas faite bercée pour m’endormir. Si bien que mon père a été obligé de se lever la nuit pour venir souffler ma lampe, je m’étais endormie avec. Ce matin, ça commençait seulement à aller mieux, mais ce n’est pas encore ça. J’ai encore des kilomètres dans les jambes.

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Tantôt j’ai été avec Marie-Louise voir le Sphinx, c’était assez reposant. Cette pièce est tout aussi jolie que Kit, malgré la scène d’empoisonnement. Nous nous sommes bien amusées malgré tout.

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Je suis en train de penser, ton camarade Dupuis ne doit pas être encore parti. Il a téléphoné chez toi hier pour savoir ce que tu faisais. Quelle veine il a celui-là ! Enfin, j’espère que tu reviendras bientôt et pour quarante huit heures. Si seulement on te chargeait d’une mission dans le genre de l’autre !!! Ça ne me déplairait pas. La dernière m’a paru trop courte. Toi aussi, j’en suis sûre.

Marie-Louise m’a corné les oreilles avec la chance que j’ai, je voudrais donc que ça dure.

Tu ne feras pas attention aux doigts qu’il y a à cet endroit, je viens de couper du Zan pour mon père qui est enrhumé et j’en ai plein après les doigts, aussi comme je les suce, j’en mets après ta lettre ce qui n’est pas très propre.

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Je vais terminer là ma lettre car j’ai encore une envie folle de dormir. Avant d’aller me mettre au lit, je t’envoie mon mignon petit Lou toutes mes plus douces pensées, sans oublier des millions de baisers.

Celle qui t’adore follement,

Germaine

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