Le 20 Septembre 1916

Petit Loulou Aimé,

J’espère que tu es arrivé à bon port à Avord et pas trop fatigué.

Moi je suis très bien rentrée et j’ai passé une assez bonne nuit, malgré que j’ai eu beaucoup de mal à m’endormir. Tu étais encore tant avec moi !!!

Ce matin, ça va à peu près, j’ai une flemme carabinée, mais ce n’est qu’un détail.

J’ai eu la visite de ma voisine qui est venue me rapporter ma robe. Au moins ce matin elle a eu la chance de me trouver. Hier, elle venait pour que je lui prête ma planche à repasser.

Aussi j’ai pris un air très étonné lorsqu’elle m’a appris qu’elle était venue. Et j’ai répondu : “En effet, hier j’étais sortie et je me suis fait tremper”. Elle d’ajouter : “Je vous avais entendu fermer votre porte et sortir de bonne heure, aussi c’est à tout hasard que j’ai été chez vous. Je croyais quelque fois que vous étiez rentrée. Comme je ne vous ai pas trouvé, j’ai été chez la concierge (toujours pour la planche à repasser) et elle n’y était pas non plus”.

Tant mieux, j’en suis bien contente. Tu vois, j’ai eu raison de faire à mon idée. Surtout que cette femme est bavarde comme une pie.

C’est malheureux tout de même d’être dérangés par des gens comme ça, quand nous étions si délicieusement bien ! Comme je voudrais que tu reviennes bientôt, je suis si heureuse quand tu es près de moi. Et je m’aperçois que plus je te vois, plus je sens combien tu me manques et plus il y a un grand vide autour de moi lorsque tu es parti. Mon petit chéri, il me semble chaque fois que je te vois, je t’aime encore d’avantage, pourtant Dieu sait si je t’aime.

Ça va être bien long d’attendre huit jours, mais j’ai peu que ce soit encore plus long. Enfin, je vais tâcher de patienter le plus possible. Je suis comme le proverbe : Plus on en a, plus on en veut.

D’ailleurs, je sais que tu es comme moi, n’est-ce pas chéri ?

En attendant une gentille lettre et en espérant que la mienne te trouve en bonne santé, je te quitte mon amour en t’envoyant les plus douces caresses de celle qui est folle de toi,

Germaine