C’était le bon temps

Paris, Le 11 Mai 1915

Loulou chéri,

J’ai reçu ta lettre du 6 et celle du 8. Dans la dernière tu te prépares déjà à repartir en ligne. Vraiment, ce n’est pas assez de repos. Moi qui croyais que tu resterais au moins une quinzaine de jours. Ce qui ne t’aurait pas fait de mal après les mauvaises journées que tu as passé.

Tu me demandes si j’ai eu des nouvelles de Marcel Seng. Ma foi, non. Il m’a écrit une fois au mois d’Août, mais depuis je n’ai rien reçu. Il est vrai que je ne lui ai jamais répondu, comme j’ignorais ce qu’il était devenu, je ne savais où lui répondre.

Tu me dis qu’il ne se plaint pas de son triste sort. Heureusement car il est loin d’être à plaindre. Je comprendrais qu’il le fasse s’il était à ta place.

Tous les matins, je pense à lui, car je vois passer une moto identique à la sienne, la même couleur, la même marque et le même son de trompe. De plus, celui qui la conduit lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Le premier jour, je croyais que c’était lui, mais ces jours-ci, je me suis aperçue que non.

Lorsque j’entends cette trompe, je me crois à Cayeux. Je me souviens les premiers temps que vous êtes arrivés, vous passiez le matin près de chez nous, aussi il faut voir si je me précipitais à la fenêtre pour t’admirer. Comme à ce moment-là tu ignorais où j’habitais, tu ne savais pas que sur ton passage tu faisais une heureuse. C’était le bon temps. Quand reviendra-t-il ?

11-05-15

Tout comme à Cayeux lorsque j’entends cette trompe, je me précipite à la fenêtre. Mais hélas, ce n’est plus l’Etre chéri que je vois.

J’espère que cette lettre te trouver en bonne santé. Tant qu’à moi, je vais très bien à présent.

Il fait ici un temps superbe. Je souhaite qu’il en soit ainsi de ton coté.

Je t’envoie mon petit Loulou chéri tous mes plus doux baisers.

Celle qui t’aime de plus en plus fort,

Germaine

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