8 jours pour une photographie

Paris, Le 12 Janvier 1915

Mon petit chéri,

J’ai reçu hier soir une gentille lettre de toi du 8 où tu prétends devenir très exigeant pour mes lettres. Mon Loulou chéri, si je suis restée trois jours sans t’écrire, c’est que j’ai été empêchée, car crois moi bien, je fais toujours mon possible pour te faire plaisir.

petit-portraitLa preuve, tu me demandes une photo, et bien lorsque j’ai été chez le photographe, il m’a demandé huit jours pour la faire (en ce moment, il y a affluence). J’étais bien ennuyée car je voulais satisfaire ton désir de suite, puisque trois jours te semblent bien long, je me suis dis que huit jours seraient pour toi un siècle.

Je me suis décidée voici comment. Pour des petites photos comme celle que je t’envoie, il faut 2 jours. Je me suis faite faire en petit, en attendant une, un peu mieux et un peu plus présentable que je t’enverrai aussitôt faite.

Celle que je t’envoie est un peu ordinaire, mais elle te fera j’en suis certaine plaisir.

Mais revenons à ta lettre. Tu te traites bien ma foi ! Ces mots de “tu prendras livraison d’un pauvre perclus” m’ont fait beaucoup rire, on dirait vraiment que tu te compares à un vulgaire colis, quand en réalité tu seras à ton retour entouré d’honneur, de gloire et de félicitations. Je sais très bien que lorsque je te reverrai, tes belles couleurs roses auront disparues et si tu as des rhumatismes, tu auras mon bras pour t’aider à marcher ainsi que de nombreux baisers qui remettront, j’en suis sûre de l’huile dans tes articulations. N’importe dans quel état tu me reviendras ne m’empêchera de t’aimer, même encore plus que maintenant, tu auras tant souffert, mon devoir à moi sera de te faire oublier. Devoir très facile.

Remercie ton camarade de ses bons voeux de bonne année et dis-lui qu’il est doublement excusé de son retard.

Dire qu’à l’heure où tu m’écris, moi je dors. Quelle insouciante je fais ! C’est pour moi en somme que tu veilles ainsi toutes les nuits, prêt à tout instants à donner l’alarme, c’est pour ma sécurité et celle de tout le monde. Aussi quelle reconnaissance nous te devons. Moi je te remercie par ces mots. Je t’aime ! Je t’aime de tout mon coeur.

En attendant de tes bonnes nouvelles, reçois mon adoré ma photo qui emporte avec elle de nombreux baisers.

Celle qui t’aime et qui pense à toi,

Germaine

Creative Commons License