Vienne-le-Chateau

Paris Le 16 décembre

Mon petit Chéri,

Je viens de recevoir ce matin une lettre de toi du 12 décembre, elle a été fort bien accueillie, il y avait 9 jours que j’étais sans nouvelle de toi. Elle m’a apporté un peu de gaité et de consolation, car hier j’ai pleuré toute la journée croyant qu’il t’était arrivé quelque chose.

Si l’attente a été un peu longue, je suis bien récompensée puisque cette lettre contient quatre grandes pages.

Comme tu as du penser à moi en ecrivant cette longue lettre, mais tu n’as sans doute pas songé à la grande joie que tu allais me faire.

Quatre grandes pages voici bien longtemps que je n’avais eu ce bonheur de causer longuement avec toi. Lorsque tu auras encore un peu de temps, écris-m’en de pareilles. Si tu savais comme je suis contente !

Ce que tu me dis au sujet de ton ancienne compagnie, je l’ai lu dans les journaux. Mais on ne mettait pas le numéro du régiment. On mettait seulement qu’une tranchée avait sauté près de Vienne-le-Château. Voilà la cause de mes inquiétudes et de mes larmes, en ne recevant rien, je croyais que tu étais du nombre. Aussi quelle triste journée j’ai passé ! Enfin tu es en bonne santé c’est le principal, d’ailleurs ta bonne lettre a chassé toutes ces mauvaises idées.

Madeleine sera vraiment contente lorsque je lui communiquerais des nouvelles de son fiancé, mais nous ne nous verrons que jeudi 24. Elle demeure vraiment loin de chez nous. Clichy et la Bastille ne se touchent pas je crois. Aussi il ne m’est pas facile de la voir souvent puisqu’elle n’est libre que le soir à six heures. Je vais plus souvent chez Madame Sut que chez elle.

Je voudrais que tu nous vois toutes les deux, tu ne pourrais t’empêcher de rire. Nous nous mettons dans un coin bien à l’écart et à voix basse nous faisons des conversations infinissables. Inutile de te dire que les noms de Lucien et de Robert sont prononcés très souvent.  Puis soudain nous éclatons de rire, Madame Blin et Sut qui ne sont pas du tout au courant se demandent ce que nous avons.

J’espère que tu es toujours en bonne santé. Moi je vais toujours très bien.

En attendant de tes bonnes nouvelles pour bientôt, je t’envoie mon petit chéri, mille tendres baisers. Reçois-les de celle qui t’aime,

Germaine

Creative Commons License