Quelle vie agréable je mène chez toi !

Le 14 Octobre 1918

Mon petit Coco chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 11 qui m’a fait grand plaisir d’apprendre que tu connaissais une dame qui pourrait m’écrire pour aller là-bas. J’espère qu’elle ne te refusera pas ce service. Tu me donneras quelques détails sur sa personne afin que je ne gaffe pas de trop si on me demande des explications.

Tant qu’à la date, petit Loul, ça sera probablement pour les premiers jours de Novembre. Plus tôt, je ne peux pas, tu sais pourquoi. J’irai bien tout de suite si je m’écoutais, mais après, je resterais encore bien longtemps sans te voir. Il est préférable que j’attende le 2 ou 3 Novembre. N’es-tu pas de mon avis, chéri ?

Je prendrai probablement le train de midi. Celui de huit heures est un peu tôt, et puis je préfère arriver à la nuit. Je t’apporterai ta vareuse. Car j’espère bien qu’elle sera prête pour cette date-là. Je vais tantôt chez les tailleur. Est-ce que je vais la rapporter ? Je ne crois pas.

Petit chéri, je viens de parler à ton père qui vient de monter et qui m’a demandé de tes nouvelles, de mon intention d’aller te voir pour quelques jours. Cela ne lui déplait pas du tout, au contraire. Il m’a dit : “Je n’avais pas pensé à ça. Si Lucien reste là-bas encore longtemps et qu’il puisse vous faire venir, ça va.” Aussi, mon Loul, je suis très contente. Ça marche très bien. Ton père m’a dit qu’il allait t’envoyer de l’argent. Il m’a demandé si j’en voulais, je lui ai dit que pour l’instant, je n’en avais pas besoin. Je préfère lui en demander lorsque j’irai là-bas. Je suis vraiment gâtée mon tout petiot !

Comme j’ai de la chance d’être tombée sur des parents aussi bons que les tiens. Comme cela me change avec la maison. Quelle vie agréable je mène chez toi ! Je ne fais absolument rien ! Quelquefois, lorsque je réfléchis bien, je me trouve même un peu sans gène. Je me dis que je dérange peut-être et qu’il faudrait peut-être que je retourne à la maison. Mais tes parents sont si gentils pour moi, je suis si bien, que je n’en ai pas le courage ! Si je n’étais pas sage avec tout ça, ça serait très mal de ma part, car tout le monde cherche à me plaire et à me distraire.

Aussi petit Loul, tu peux être certain que je serai très sage jusqu’au mois de Novembre. J’attends ce mois avec grande impatience, comme tu dois le penser, sachant que la saison des cerises ne sera pas passée pour nous.

Je te quitte petit chéri pour aller à table.

Reçois de ta gosse qui t’aime follement une foule de caresses et de bien doux baisers. Je t’adore,

Mino

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