Lettre de Suzanne à Germaine

Le 20 Juillet 1918
Samedi

Ma chère Germaine,

Loulou a dû vous dire le voyage fatigant que nous avons fait, voyage rendu plus désagréable encore par la chaleur & le monde dans les wagons. Nous avions eu la chance de trouver un wagon couloir, mais sans lavabo, ce qui n’est pas banal ! Les compartiments jusqu’à Condé étaient complets & les couloirs encombrés, aussi nous avons été heureux d’arriver.

Nous avons retrouvé nos chambres, mais c’était juste, car l’hôtel est comble comme les autres hôtels ici & on ne trouve, parait-il, même plus une chambre à louer.

Boeuf-noir-lemonnier

Nous avons avec nous au repos une réfugiée des environs de St-Omer, qui pour pouvoir se loger a dû louer la grande maison qui se trouve à côté de l’hôtel, alors qu’elle désirait trouver seulement 2 pièces pour mettre ce qu’elle a pu sauver. Ce n’est pas à la portée de tout le monde !

Nous avons rencontré Mme Fleuriel qui nous a encore dit combien elle regrettait de n’avoir pu vous recevoir. Elle a déménagé une partie de son mobilier pour des réfugiés. Comme elle commençait une longue histoire sur son mari qui voyage dans le midi, nous avons pris congé car il était temps de rentrer dîner.

A la ferme, nous avons trouvé tout dans le même état que par le passé. Bergère & Rustique nous ont accueillis par des gambades & Madame Bois avec son large sourire.

Le Prince de Marie est blessé au genou et il est bien soigné, mais sera réformé & Marie pense se marier aussitôt qu’il sera rétabli. Quant à Yvonne, ce sera fait avant la fin de l’année. Que de mariages en perspective !!!…

Loulou m’a dit que vous allez mieux, j’en suis bien contente. Peut-être que les pilules que vous prenez commencent à vous remonter… à moins que ce soit autre chose…

Avez-vous de bonnes nouvelles de Lucien ? Nous en avons eu ce matin & cela nous a fait bien plaisir car il nous semblait que nous n’en avions pas eu depuis une éternité.

Yvonne est à Paris pour 4 jours, aussi Marie est comme une âme en peine. Demain, comme elle ne travaille pas, j’irai lui tenir compagnie. Ce sera d’une folle gaité !!!

Maman pédale comme une jeune fille, elle est enragée, c’est moi qui suis la plus paresseuse !

Présentez mon bon souvenir à votre Papa & pour vous, petite Germaine, mes baisers les plus affectueux,

Suzanne

 

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