Les pieds sous la table

Le 30 Août 1917

Mon petit Coco Aimé,

Voici un petit trèfle que j’ai trouvé ce matin en me promenant avec la cousine de Madame Fleuriel et sa mère dans les champs. Aussi, c’est avec grand plaisir que je te l’envoie pour qu’il te porte beaucoup de bonheur. J’en ai trouvé un autre, mais il n’était pas si mignon, il est beaucoup plus gros. Celui là, il est mignon comme mon petit Loul, aussi c’est pour cela que je lui envoie.

J’ai fait une très bonne promenade ce matin avec ces dames, nous avons été à travers champs jusqu’aux bords de la Sarthe. Cette promenade était fort jolie et m’a donné un gros appétit. Je ne pouvais plus revenir tellement j’avais faim. Heureusement qu’en arrivant, je n’avais qu’à me mettre les pieds sous la table. Tantôt, je t’écris dans le jardin au son des joyeux “coin-coin” !!! Je suis sous le tilleul, voilà justement une petite averse, aussi je suis bien abritée sous cet arbre.

Madame Fleuriel, sa cousine et Gertrude sont en train de ramasser les pommes que l’ouragan a fait tomber. Mademoiselle Suzanne ramasse le linge, ça fait que je suis seule au milieu de la riante nature à écrire à mon petit Loul Aimé.

Que fais-tu  en ce moment ? Tu ne t’ennuies pas de trop, petit chéri ? Moi je trouve le temps bien long malgré ces bonnes promenades et je trouve ça dure d’être seule après de si bons moments. J’ai été si heureuse d’être avec toi, d’être que nous deux sans personne sur mon dos, je m’imaginais un peu être mariée. Comme nous serons heureux lorsque nous serons ensemble !!! Aussi avec quelle impatience j’attends ce moment délicieux. Comme je serai heureuse et gâtée avec toi !!! Je me rappelais avec plaisir notre promenade au Tréport, maintenant je me souviendrai longtemps de nos promenades en bécane ici, surtout le soir que nous avons été chez la famille Bois !!! Que j’étais heureuse ! Je riais comme une vraie gosse, sans soucis, pleinement à la joie de me sentie près de toi. Vivement une longue permission et encore plus vivement une bonne petite vie ensemble pour toujours.

Ce matin, j’ai reçu une lettre de mon père. Il me dit qu’il a eu le plaisir de te voir Dimanche soir et que tu lui as raconté ma vie à la campagne. Il avait l’air très content. Il m’a dit que tu avais eu un beau temps pour venir à la maison ! Et que tu étais resté très peu de temps. Il me dit qu’il viendra me chercher le 10 ou le 15. Je n’y tiens pas du tout. Si tu viens le 6, je rentre avec joie, mais si tu ne viens qu’à la fin du mois, je ne tiens pas à rentrer le 10. Je lui ai répondu tout à l’heure que Madame Fleuriel m’avait demandé de rester jusqu’au 20 car sa cousine restait jusqu’à cette date. Je vais voir ce qu’il va dire. Qu’est-ce que tu en penses Loul ?

J’attends une petite lettre de toi pour ce soir si tu as pu la mettre à la poste toi-même. Sinon cela sera que pour demain ou après demain par le secteur. Je te quitte, voilà la pluie.

Reçois petit n’amour à moi les meilleures tendresses de ta gosse qui t’adore,

Mino

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