Le 9 Juin 1919

Mon petit chéri,

Je renonce à écrire sur mon sale papier buvard ! Je viens de commencer une lettre et j’ai été obligée de m’arrêter. Sur vingt mots, il n’y en avait que 4 ou cinq de lisibles.

Hier tantôt, nous avons été nous promener à Fontainebleau. Il n’y a guère que là où l’on trouve un peu de fraîcheur. La forêt est superbe en ce moment. Nous avons acheté des gâteaux dans Fontainebleau et nous avons été les manger en pleine forêt près des gorges de Franchard dans un restaurant.

M. Puèch qui était avec nous avait parié avec moi à la pâtisserie que je ne mangerai pas un énorme coeur en biscuit sans boire. Moi qui avais très faim, je ne demandais pas mieux et je me sentais tout à fait décidée à gagner les cent sous, enjeu du pari. Au moment de rentrer l’acheter, il s’est ravisé et n’a pas voulu, sous prétexte que je serais malade. Je suis bien tranquille que je lui aurais mangé son gâteau et que je n’aurais pas été malade du tout ! Après, je n’ai pas regretté car les petits gâteaux que nous avons mangé étaient tous mauvais, sans exception !

Nous avons été visiter les gorges de Franchard et nous avons aperçu un magnifique petit écureuil qui est venu se balader tout à côté de nous. A 6h -¼, nous étions encore à Franchard, à 7h½, nous étions de retour à la maison ! C’est te dire si nous avons gazé ! Il y a plus de 60 kms. La route de Fontainebleau par Boissy-St Léger (route que nous avons prise pour revenir de Brunoy l’autre jour) est épatante, de bons petits pavés presque tout le temps. Lorsque tu viendras en perm, nous irons passer quelques jours avec la moto. C’est vraiment joli ! Si tu veux bien ? N’est-ce pas mon Loul.

Sur ce, petit chéri, je te quitte pour m’apprêter. Nous allons au Père-Lachaise à 11h.

→ Marie-Louise Griselin, la grand-mère de Lucien est décédée il y a tout juste un an

J’espère que tu es en bonne santé et pas trop fatigué de ton voyage. Reçois de ta petite gosse qui t’aime toujours d’avantage de bien tendres baisers et de bien douces caresses,

Mino

PS : Hier, j’ai trouvé un blaireau dans le cabinet de toilette qui ressemblait fort au tien. J’ai demandé à Pierre s’il était à lui, il m’a dit que non. Alors c’est certainement le tien. Tu seras quitte pour en acheter un autre.