Le 1er Novembre 1918

Mon Coco joli,

Comme je suis triste aujourd’hui ! Dire qu’en ce moment je devrais rouler vers toi et je suis là à t’écrire. Comme je pense à toi mon chéri ! Et comme je suis désolée à l’idée que tout à l’heure, tu iras m’attendre au train et je n’y serai pas.

Tu vois mon Loul, c’est surtout ça qui m’attriste. Je te vois partant de la gare tout seul, bien ennuyé, te demandant pourquoi je ne suis pas au train. Que de mauvaises idées tu vas te faire ! Tu vas me croire malade ! Et dire que je n’ai pu rien faire pour éviter tout ça.

Je me demande aujourd’hui si je pourrai obtenir ce sauf-conduit ! C’est si bizarre ! L’autre jour, j’avais le ferme espoir de l’avoir. Et puis rien. C’est toujours lorsqu’on compte sur quelque chose que l’on a rien. Je voudrais déjà être à demain pour être fixée. J’y retournerai à la même heure que l’autre jour 2h, 2h¼. Pourvu que je retrouve le même employé ! Aussitôt après, je t’écrirai pour te mettre au courant de ma démarche. Si elle a été bonne, je t’annoncerai mon arrivée pour le 5 au matin, sinon il ne faudra plus compter que j’aille te voir. Cette lettre (celle de demain) étant mise à la poste avant 4h, te parviendra Lundi 4 au soir.

Ce matin, nous allons tous au cimetière. Quelle triste journée à côté de celle que j’espérais !

Je te quitte mon chéri, car voici l’heure de partir.

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je termine en t’envoyant mes plus doux baisers. Ta petite gosse qui pense bien tristement à toi,

Mino

Mon chéri Aimé, En rentrant du cimetière tout à l’heure, j’ai trouvé ta mignonne lettre du 29. Elle m’a fait beaucoup de bien. Je vois que tu as été plus clairvoyant que moi, puisque tu continues à m’écrire dans le cas où je n’aurais pas pu partir. Tu as très bien fait et je t’en remercie par de nombreux baisers (que j’espère pouvoir te donner bientôt). Si tu savais mon Loul comme ta lettre m’a fait du bien, tu as dû voir par le commencement de ma lettre que j’étais très triste, un peu cafareuse, quoi ! Maintenant, cela va mieux. Je vais attendre demain avec plus de patience et plus d’espoir. Espérons, mon petit chéri que je réussirai.

Dans cet espoir, je t’envoie mon Loul adoré, encore tout plein de bien tendres baisers et de bien douces caresses. Ta petite gosse qui t’aime de tout son coeur,

Mino