Le 15 Juillet 1918

Mon petit Loul Aimé,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 12. Mon petit Loul, il faut toujours espérer pour le mois de Septembre. Hier, j’avais perdu confiance en lisant ta lettre et celle de M. Sevette. Je m’étais même laissée aller aux plus sombre cafard. J’étais complètement désolée. Et je ne sais même pas comment je t’ai écrit et ce que je t’ai écrit.

Hier soir, j’ai bien réfléchi à la lettre de ton père et j’ai trouvé la réponse bien meilleure que le matin. Je me suis dit : Vraiment, je suis sotte de me faire tant de mauvais sang. Monsieur Sevette ne pouvait tout de même pas répondre : “J’accepte, vous pouvez vous marier tout de suite.” C’était tout à fait impossible. Attendre ne veut pas dire dans six mois.

Suzanne m’a dit hier que Monsieur Sevette s’occupait de nos meubles en ce moment. Si cela ne se faisait pas tout de suite, pourquoi s’en inquièterait-il dès à présent ! Cela m’a remis du baume dans le coeur. Il est question de nous donner la chambre de ta grand’mère. Nous y serons, a-t-il dit, plus tranquilles que dans la tienne.

Ensuite, Madame Sevette voulait racheter la chambre de ta grand’mère pour nous. Monsieur Sevette n’est pas de cet avis et trouve que cela serait un triste souvenir pour nous. Surtout pour moi, qui y ai vu ta grand’mère morte. Alors Madame Sevette ne garde pas les meubles. Elle doit les partager avec son frère et sa soeur.

Suzanne qui connait tes goûts a dit que tu aimerais bien un lit de cuivre. Que plusieurs fois, tu avais manifesté le désir d’en avoir un. Alors il est question d’en acheter un, avec une armoire anglaise. Tu vois mon Loul que ça va très bien !

Je voulais te demander. Dis-moi, petit Loul, y tiens-tu tant que ça au lit de cuivre ? Pour ma part, je trouve ça très joli, mais je préfèrerais ma petite chambre en citronnier. Il y a si longtemps que j’en ai envie. Tu sais, je t’en parle tout le temps. C’était mon rêve d’avoir une chambre comme ça. Si cela te plaisait, je serais bien contente. Maintenant tu sais, petit Loul, si tu aimes mieux un lit de cuivre, dis-le moi ! Dans le fond, quoique j’aime beaucoup le citronnier, cela m’est égale. Pourvu que j’aie mon tout petiot tout à moi, cela m’importe peu que ça soit dans un lit de cuivre ou de citronnier !!!

Tu vois, petit Loul, ne nous désolons pas, attendons patiemment le retour de tes parents du Mesle. Après tu verras, je crois que ça marchera très bien. On s’occupera tout de suite de nous. En ce moment, ce n’est pas la peine, puisque tes parents s’en vont pour un mois. N’aie crainte petit Loul, rien ne sera changé lorsque je serai ta femme, je serai toujours une sale gosse. Encore plus sale gosse que ça, puisque j’aurai plus le loisir de te faire enrager !

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je te quitte mon tout petiot Aimé en t’envoyant les plus douces caresses de ton tout petit bébé qui t’aime follement,

Mino