Ne nous désolons pas, attendons

Le 14 Juillet 1918

Mon tout petiot chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 11 contenant celle de ton Père. Je comprends petit Loul que tu ne sois pas très joyeux. La réponse n’a rien d’affirmative. Je ne te cache pas que je la croyais meilleure que ça. D’après ce que m’avait dit Suzanne, je  croyais que c’était tout à fait décidé et je m’aperçois qu’il n’en est rien du tout puisque ton Père nous dit d’attendre.

Et moi qui t’en parlais comme d’une chose faite ! J’ai été encore une fois bien sotte de me réjouir ainsi à l’avance. Je ne m’étonne plus à présent du silence de tes parents vis-à-vis de moi. N’ayant rien décidé, il était inutile de m’en parler.

Enfin, ne nous désolons pas. Puisqu’on nous dit d’attendre, attendons. Il y a déjà si longtemps que nous attendons qu’il ne faut pas se décourager.

Les réflexions de ton Père sont très bonnes. Il est certain que je ne peux laisser mon père seul, pour aller m’installer chez toi. Malgré tous les griefs que j’ai contre lui, je le comprends très bien et je ne le ferai pas. Je pensais que pendant que tu serais là, nous resterions chez toi et une fois ton départ, je retournerais à la maison. Car il est assez difficile que nous nous installions ici. C’est bien petit et ça manque de commodités. Je sais que pour ma part, je me sens très mal installée.

Je ne pense pas que mon père fasse de difficulté à ce que nous nous marions tout de suite. Au contraire, puisqu’il m’a déjà fait remarqué qu’il ne comprenait pas pourquoi nous attendions ainsi. D’ailleurs, tu le sais, je te l’ai déjà dit plusieurs fois.

Tant qu’à attendre que tu viennes à Villacoublay pour en parler sérieusement, je crains que nous ayons le temps d’attendre. Ça peut réussir, comme d’un autre côté, ça ne peux pas réussir du tout. Alors nous attendrons toujours.

Enfin, espérons et attendons !!! Moi qui croyais que le mois de Septembre serait un beau mois pour nous, je me suis trompée et tous les beaux projets sont dans l’eau.

Quand est-ce que je verrai mon Loul à présent ? Je n’ose y songer, car ce doit être dans bien longtemps. Je te renvois la lettre comme tu me le demandes. Tu peux être tranquille petit Loul, je n’en parlerai à personne.

Je te quitte, mon père attend impatiemment que je mette la table.

Reçois de te petite gosse qui te chérit de tout son coeur, ses plus tendres baisers,

Mino

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