Quelle constance !

Le 29 Mars 1918,

Mon petit Loul chéri,

J’ai reçu tout à l’heure ta mignonne lettre du 27 et je suis heureuse d’apprendre que ton appareil est en réparation. Comme cela, je serai plus tranquille pendant plusieurs jours.

Depuis ce matin, je suis en train d’aider Mlle Raymonde à faire ses malles, aussi je suis faite comme une chiffonnière. Pour avoir son billet, elle a attendu 8h. Depuis 5h du soir jusqu’à 1h du matin. Quelle constance ! Rien que ça, ça me dégouterait de partir !

pp29-03-1918-gareTiens, on dirait que dame Bertha vient de se réveiller. Je viens d’entendre une détonation. Je viens de regarder à la fenêtre. Il y a du monde qui regarde aussi, c’est que je ne me suis pas trompée. Enfin, continuons ma lettre.

Donc pour en revenir à ce que je disais, depuis ce matin, je suis passée emballeuse et cela ne m’a pas mise en avance. Il est 3h½ et je ne suis pas encore habillée et je vais chez Mme Schwab. Enfin, je mettrai les bouchées doubles.

J’ai reçu un mot de Marie-Louise ce matin. Elle va bien et est restée à Paris. Je croyais pourtant bien qu’elle serait partie. Elle a envoyé sa mère en Vendée et elle attend les évènements. Je lui ai répondu tout de suite. En lui disant que puisqu’elle était seule, si elle voulait, elle n’avait qu’à venir à la maison. Cela sera plus gai pour elle et pour moi aussi. Surtout qu’elle habite au sixième. Elle n’est guère en sécurité. Je voudrais bien qu’elle accepte, comme cela, je serais moins seule.

Sur ce, je te quitte petit Loul pour faire un petit brin de toilette.

Reçois de ta gosse qui t’adore de bien douces tendresses,

Mino

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