Ça pince fort dehors

Le 5 Décembre 1917

Petit poupon chéri,

Je continue à être très sage. Je chasse le cafard le plus que je peux et je suis tes conseils. J’ai parlé à la couturière pour sa femme de ménage. Elle veut bien me monter tous les jours mon bois et mon seau de charbon. Pour le reste, je m’arrangerai bien seule en attendant la mienne. Ce que je ne pourrais pas faire, je le laisserai. Comme il vient personne à la maison, cela n’a pas d’importance.

J’ai passé une assez bonne nuit et je n’ai pas pleuré du tout dans mon lit, comme c’est souvent mon habitude. J’ai fait un bien vilain rêve :

Nous nous promenions à la campagne en auto. Je voulais conduire, tu ne voulais pas. Tu finis par céder, mais voilà que dans une côte, je ne change pas de vitesse et voilà la voiture partie à fond de train en arrière. Résultats : la voiture retournée, toi dessous et moi projetée par terre. Je n’avais rien du tout, mais toi, dame, tu étais dans un piteux état. A cette vue, je criais comme une folle. Et là dessus, je me suis réveillée, j’aimais autant ça. Conclusion : Voilà ce que c’est que d’avoir une sale gosse trop gâtée !!!

J’espère que tu es bien arrivé à ton escadrille et que tu as été très bien reçu et que tu ne te déplais pas de trop. Aujourd’hui, pour le 1er jour, tu as dû avoir bien froid. Ici, il a gelé et ça pince fort dehors.

J’attends de tes nouvelles pour demain soir. A moins que dans ce secteur-là, ça demande plus de temps.

Tantôt, je vais à l’hôpital. Je ne crois pas qu’aujourd’hui, Suzanne m’annoncera ton arrivée et me fixera un rendez-vous chez Prévost où les garçons sont si agréables !!!……… Pauvre tout petit, je te fais enrager, pardonne-moi.

chocolat prevost

En espérant que ma lettre te trouvera en bonne santé et pas trop mal installé, je t’envoie mon petit Loul Aimé, des milliers de bien doux baisers de ta gosse qui ne vit plus, loin de toi,

Mino

Creative Commons License