Prêcher le faux pour savoir le vrai

Le 16 Octobre 1917

Petit chéri,

Hier soir en rentrant de chez toi, j’ai trouvé ta mignonne lettre du 13. Je croyais ne pas pouvoir rentrer tant j’étais chargée. La malle était arrivée, aussi j’avais mes affaires à rapporter. Deux gros paquets, plus des oeufs, du beurre et des pommes. J’ai laissé un chapeau, faute de main. Les miennes ne pouvaient plus rien tenir. Dans le métro, j’avais l’air d’un âne avec tous mes colis. Mes oeufs m’inquiétaient. J’avais peur de faire une omelette. Heureusement, tout est bien arrivé.

J’ai su par Nounou que tu avais trouvé tes ailes à ton retour par Paris. Elle m’a dit aussi que tu n’avais pas été content après moi lorsque mon père a téléphoné pour demander si tu étais rentré, que je lui avais écrit que tu rentrerais à 4h. Ce qui est tout à fait faux. Tu sais fort bien, petit Loul, que lorsque je lui ai écrit que tu rentrais, tu étais près de moi à m’aider à faire ma lettre. Je voulais mettre l’heure de ton arrivée et tu m’as même dit : “Met simplement : Lucien rentrera Samedi soir à Paris pour regagner son escadrille le Dimanche matin.” Aussi, ce que mon père a dit, il l’a inventé.

Tout à l’heure, je lui ai dit. Il m’a répondu : “J’ai dit à Nounou : Lucien rentrera sans doute à 4h par le même train que Germaine avait pris la première fois pour rentrer.” Ce qui n’est pas encore vrai. Il prêche le faux pour savoir le vrai. Aussi, je ne voudrais pas que tu sois mécontent après moi. Je sais bien que tu ne m’en voudrais pas pour si peu de choses, mais je ne veux pas que l’on dise des choses qui ne sont pas vraies.

J’ai reçu une lettre de Marie-Louise, elle me demande un rendez-vous pour un jour de cette semaine. Je lui ai répondu pour demain à la maison. Espierre n’a pas encore eu sa permission, il ne l’aura qu’au 1er Novembre, aussi Mademoiselle est impatiente.

A part ça, rien à te raconter.

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon gros poupon rose de bien doux baisers de ta sale gosse,

Mino

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