Je me fais du mauvais sang

Le 18 Février1917

Petit Lou Aimé,

Aujourd’hui, pas de nouvelles de toi. Je ne men étonne pas puisque je te sais en déplacement. Je me demande comment mes lettres te parviennent puisque l’adresse n’est pas changée et que tu te trouves loin de ton secteur ?

Aujourd’hui Dimanche, je suis restée à chiffonner toute la journée. Je me suis pas trop ennuyée, car le ménage va un peu mieux. Je reprends courage en espérant qu’en continuant ça ira tout à fait bien. Hier soir, nous avons dîné pour la première fois depuis 15 jours au gaz. Comme la température est remontée de beaucoup, les conduits se sont dégelés. Pour moi, c’est un grand soulagement car j’ai bien moins de mal pour faire la cuisine et je suis bien plus propre. D’être constamment au charbon, j’avais des mains affreuses. D’ailleurs, comme je n’ai pas de veine, pour changer, je trouvais tout le temps moyen de me bruler. J’ai toujours ma petite poupée qui m’empêche beaucoup d’écrire. S’il n’y avait que ça, je ne me plaindrais pas.

 

Je me demande ce que tu peux faire en ce moment. Tu es peut-être descendu à Châlons passer l’après-midi et tu ne manqueras certainement pas de me mettre un gentil mot, aussi j’espère avoir une petite missive pour demain matin.

Je me fais du mauvais sang en ce moment, devine pourquoi ? J’ai peur que tu n’aies pas ta permission pour le mois de Mai comme tu as droit. Avec tous ces changements, je crains que la date soit reculée. Est-ce que ça compte à partir de ta dernière permission ou de ton arrivée à l’escadrille ? Je voudrais bien être renseignée à ce sujet.

J’espère que tu es pas trop mal installé dans ta nouvelle demeure et que tu es toujours en bonne santé.

Dans cet espoir et dans l’attente de tes bonnes nouvelles, je termine ce mot en t’embrassant mon petit Lou Aimé bien tendrement.

Celle qui t’adore,

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