Des petites mamours etc…

Le 26 Janvier 1917

Petit chéri,

Depuis ta lettre de Bar, je n’ai pas reçu d’autres nouvelles. Je ne m’en étonne pas, car je sais très bien que tes lettres maintenant mettront au moins 4 à 5 jours à me parvenir. J’aurai sans doute la première pour Dimanche, j’en attends pas avant.

Je suis toujours dans les bonnes dispositions d’hier. C’est à dire que j’ai beaucoup de courage. Je n’arrête pas de travailler. Ainsi, je suis libre seulement et il est 3 heures. A 9 heures ce matin, j’étais déjà en train de coudre. Tu ne diras pas que je me laisse aller.

Hier soir, j’ai été coudre chez la couturière à peu près une heure. J’ai eu mon diable de Paulette qui n’a fait que me faire enrager. Figure-toi que cette demoiselle n’a fait que de parler de toi. Elle a le béguin pour toi. Elle m’a dit : « Il est joliment gentil votre “fiançaille“, il me plait beaucoup, je vous le chiperai. Malgré tout, je vous permettrai de l’embrasser. » En parlant d’elle, voici la couturière qui me l’amène, Mademoiselle pleure parce qu’on ne veut pas la laisser venir à la maison.

A présent, elle est installée à côté de moi et écrit aussi. Comme de bien entendu, elle a deviné à qui j’écrivais. Aussi, elle vient de me prendre par le cou et de me dire à l’oreille : « Disez moi ce que vous écrivez. Lorsque vous aurez fini, lisez-moi-le. Après, écrivez : “Mon cher fiancé, je vous adore.” Je vous fais rire Mlle Germaine, ça vous remonte les idées, voyez. »

Elle me souffle : «Ecrivez : Je t’adore éperdument, mon petit mari.» Quel numéro ! Je n’ai pas envie de rire, mais je suis forcée. Aussi, elle continue : «Ecrivez des petites mamours etc….», ça n’en fini plus. C’est vrai, elle me dit qu’elle me remonte les idées. Je le crois avec toutes ces petites histoires, elle m’intéresse. Toi, tu l’occupes beaucoup en ce moment. Elle a rêvé de toi cette nuit. Tu étais chez nous, tu m’embrassais et tu avais oublié de la regarder, aussi elle n’était pas contente. Quelle gosse ! Elle est vraiment amusante.

Tu ne feras pas attention à l’écriture, avec une voisine ce n’est pas commode d’écrire proprement. Elle me cause tout le temps et me pousse le coude. Elle me répète encore : « Je vous remonte les idées. »

Moi, je vais la remonter chez elle, car il faut que j’aille à la poste et comme elle est enrhumée, il ne faut pas qu’elle sorte. Aussi, il a fallu promettre que je retournerai la chercher à mon retour.

Il fait toujours très froid ici, qu’est-ce que ça doit être de ton côté. J’espère que tu n’en souffres pas de trop. Je voudrais déjà recevoir ta prochaine lettre afin de connaître comme tu es installé. En espérant que tu es toujours en bonne santé, je termine ce griffonnage en t’envoyant, mon Lou Aimé, toutes les plus douces caresses de ta petite

Mino

Paulette me fait le portrait d’un nain déshabillé. Elle trouve qu’il n’a pas le nez appétissant !!! En effet, le malheureux a une tête comme une citrouille et un nez comme une pomme de terre.

Creative Commons License