Le 18 Janvier 1917

Mon petit chéri,

Voici deux jours que tu es parti et il me semble  à moi que cela fait 1 mois. Je ne sais si tu as plus de courage que moi, mais moi, depuis Mardi, je n’ai rien fait. Je n’ai de goût à rien. Tantôt pour me distraire un peu, je vais aller chercher de quoi confectionner ton manchon.

Hier, après t’avoir écrit, j’ai été chez la couturière. Je n’ai cessé de bailler jusqu’au soir. Aussi elle m’a dit que j’aurais mieux fait de rester à la maison. Quand on était si triste compagnie, on ne venait pas voir le monde. C’était pas de ma faute pourtant.

Mardi après-midi, malgré que je n’aie pas grande envie de rire, je me suis bien amusée. Suzanne parlait de toi à Loulou. Devine ce qu’elle disait ? Elle ne te trouvait pas nerveux ! Toute une petite conversation à ce sujet. Tu penses si je riais dans le fond. Loulou approuvait en disant : « Lucien est très calme, il se croit nerveux parce qu’il se met facilement en colère, mais il est trop sanguin pour cela. Pierre est nerveux, mais pas lui ». Suzanne d’ajouter : « Lorsque je lui parle de ça, il se met en colère, il veut être nerveux, aussi je dis comme lui pour lui faire plaisir. L’autre jour, je lui faisais remarquer comme toi que Pierre était beaucoup plus nerveux que lui. Il m’a répondu “Ce n’est pas de la même manière”. Aussi je n’ai pas très bien compris ».

Tu penses si je m’amusais. En moi-même, je me disais : « On voit que vous ne le connaissez pas comme moi ». Mon Loulou, pas nerveux, comme vous vous trompez !!! Mais c’est pour tout le monde qu’elles ont cette opinion. Moi, c’est pareil. Un jour, Suzanne m’a dit que j’étais très bien équilibrée, très maîtresse de mes nerfs. Je veux bien, ça ne me gène pas. Suzanne a bien recommandé à Loulou de ne pas te parler de ça, parce que tu ne serais pas content. Je te fais la commission.

J’espère que demain, j’aurai le plaisir d’avoir de tes nouvelles. Le temps me semble si long loin de toi !

En attendant impatiemment ce plaisir, je t’envoie mon mignon Lou les meilleurs tendresses et les plus doux baisers de celle qui ne peut plus vivre sans toi,

Ta petite Mino