Paris, Le 12 Mars 1916

Mon Loulou adoré,

J’ai bien reçu ta lettre du 3, qui m’a fait grand plaisir. Après avoir été sans nouvelles, je suis maintenant très gâtée. Tous les matins, tes gentilles lettres viennent me réveiller. Charmant réveil !

Aussi, je n’ai pas besoin de te dire que je suis de bonne humeur toute la journée.

Aujourd’hui, il m’est arrivé un petit drame, qui a heureusement bien fini. Je m’apprêtais à répondre à ta gentille lettre, lorsque je m’aperçois que ta lettre avait disparu de ma boîte de correspondance. J’avais dans la tête que ta dernière lettre était du 4. Je cherche partout, rien.

Je me mets dans une colère bleue, et je me mets à pleurer. J’étais certaine de l’avoir rangé, aussi, mon père me voyant tout remuer me demande ce que je cherche et la cause de mes larmes.

Je lui réponds qu’on avait du y toucher et qu’elle n’y était plus, enfin, je l’accusais presque de me l’avoir prise. Enfin, ayant cherché à nouveau, je m’aperçois qu’elle était toujours à sa place, mais que c’était la date qui m’avait fait trompé. Elle n’était que du 3, quand je croyais qu’elle était du 4. C’est tout de même bête d’avoir pleuré pour rien.

Enfin, maintenant qu’elle est retrouvée, je pense te répondre. Tu me dis que 6 jours de permissions tous les 5 mois ne conviendraient pas beaucoup à ton tempérament et tu ajoutes entre parenthèses “pourtant très froid”. Heum ! Heum ! J’aime mieux garder mon opinion pour moi.

Maintenant tant qu’à convenir au mien, j’avoue franchement que non, mais je n’ajoute pas de parenthèses. A mon tour de te taquiner un peu. J’espère bien que nous ne passerons pas notre vie à nous voir 6 jours de loin en loin. Alors, s’il en était ainsi, j’aimerai mieux donner ma démission de ménagère à mon père et je m’engagerai au 128e.

J’espère que ta santé est toujours bonne. Et que le vilain temps est un peu passé.

En attendant de tes bonnes nouvelles, reçois mon petit “n’amour” tous les plus doux et plus tendres baisers de celle qui est si heureuse de t’adorer,

Germaine