Revanche

Paris, Le 10 Mars 1916

Mon petit chéri,

Ce matin pour mon réveil, j’ai eu le plaisir de lire ta gentille lettre du 2. Je suis maintenant des mieux favorisées. Une lettre tous les matins. Tu vois, je n’ai pas à me plaindre. Et toi, reçois-tu régulièrement de mes nouvelles ? J’espère que oui. En ces mauvais moments, je sais que cela te fait doublement plaisir.

Je suis de ton avis. Il me semble que s’il tombait de la neige, nous ne penserions même pas à jouer avec. Malgré que je sois folle des batailles de neige, je n’y ferais pas attention si j’étais dans tes bras.

Malgré tout, ne crois pas que je sois contente lorsque je vois de la neige : si elle ne couvrait que Paris, ça irait, mais comme c’est à peu près partout, ce n’est plus la même chose. Je pense à toi, là-bas dans un petit coin de terre qui est bien malheureux. Alors il faudrait que je n’aie pas beaucoup de coeur pour être contente.

D’ailleurs, mon goût pour ce genre de sport est légèrement refroidi. Je ne t’ai pas dit, l’autre jour, dans la bataille, j’ai eu le menton écorché. Aussi, j’ai été obligé de rester au moins dix jours avec une grosse marque. Ce qui ne me plaisait guère. Heureusement que tu n’étais pas là. Maintenant, c’est parti. Mais je n’ai pas envie de recommencer. Je ne veux pas que lorsque tu reviennes, il me manque un morceau de figure. Tu ne serais peut-être pas très satisfait ?

Je ne tiens pas à une nouvelle chute de neige, car je pourrais être tentée de prendre ma revanche sur ma brutale adversaire.

J’espère que ma lettre te trouvera en excellente santé. Dans cet espoir, et dans l’attente d’une gentille lettre, je termine en t’envoyant mon Loulou adoré mille doux baisers de ta petite fiancée qui pense à toi sans cesse,

Germaine

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