Permission annulée pour Robert

Paris, Le 16 Septembre 1915

Mon petit chéri,

J’ai reçu hier au soir ta lettre du 12 où tu es sans nouvelle de moi depuis plusieurs jours. Je pense et j’espère que le lendemain t’aura été plus favorable.

Comme tu le penses, le calme est rétabli dans mon secteur.

Tu me parles de ta cousine qui connait Madeleine. A propos de Madeleine, elle n’a pas de chance. Figure-toi que Robert Sut devait venir au commencement de la semaine. Il avait prévenu Madeleine afin qu’elle ait le temps de rentrer à Paris, puisqu’elle est toujours à Cayeux. Donc elle arrive Lundi avec sa mère et le même jour, elle reçoit une lettre lui disant que les permissions étaient suspendues pendant quelques temps. Vois d’ici la tête de Madeleine qu’est venue pour rien.

J’ai appris tout ceci par une de ses amies que j’ai été voir Mardi.

J’espère la voir aujourd’hui Jeudi chez Madame Sut, à moins qu’elle soit déjà repartie à Cayeux. Elle qui ne voulait pas voir Robert, doit être tout à fait dégoutée des permissions. Aussi, si je la vois aujourd’hui, qu’est-ce que je vais entendre ! Elle va certainement me dire que j’ai plus de chance qu’elle, enfin tout un discours.

Heureusement que je pourrai me parer en disant que je ne t’ai vu que deux jours. Malgré tout je comprends aisément que cela n’a rien d’agréable pour elle. Pareille chose me serait arrivé, que je n’aurais pas été très satisfaite.

Enfin, c’est un petit détail, si seulement la guerre pouvait être terminée de suite. Quelle grande permission alors vous auriez. Elle durerait toujours. C’est à celle-là que je rêve pour le moment. Elle me laisse tellement entrevoir de douces choses, que j’y pense bien souvent avec bonheur. Mais quand sera-t-elle accordée ?

J’espère que tu es toujours en bonne santé et que ma lettre ne sera pas si longue à te parvenir que les précédentes.

En attendant une de tes gentilles lettres, reçois mon amour beaucoup de baisers de ta petite fiancée qui t’aime,

Germaine

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