Graissage de vélo

Paris, Le 14 Septembre 1915

Mon Loulou adoré,

J’ai reçu hier après midi ta lettre du 9. En effet, j’ai deux lettres à cette date. Cela n’a pas grande importance que tu te soies trompé, puisque je les ai reçues toutes les deux et le même jour.

J’aurai voulu que tu me voies lorsque je l’ai reçu, tu n’aurais pu t’empêcher de rire. J’étais dans la cour en train de graisser ma bicyclette, car malgré que je ne m’en sers pas, je la soigne bien en prévision de l’année prochaine. Car j’espère que la guerre sera finie et que je m’en servirai avec toi.

Donc pour en revenir à mes moutons, j’étais dans la cour et je frottais ma bécane et il fallait voir avec quelle ardeur ! On aurait dit un vrai mécano. J’en avais toujours les mains, si je n’en ai pas les capacités.

Donc de la place où j’étais, je vois entrer le facteur. J’ai eu alors un petit battement de coeur (ce qui est très fréquent à son approche) en pensant qu’il y avait peut-être une lettre de toi. En effet, ta lettre du 9 était dans ses mains. Par conséquent, elle est passée immédiatement dans les miennes. Au préalable, j’ai pris soin de les débarasser de leur graisse et ensuite, j’en ai commencé la lecture.

La concierge m’a dit ceci : “Vous avez bien de la chance Mlle. Au moins, on voit qu’on pense à vous”. Je n’ai pas besoin des avis de ma pipelette pour savoir cette nouvelle. Il y a déjà longtemps que je le sais. Ayant reçu deux lettres dans la même journée, et pareille chose se renouvelant très souvent, cette dernière est très intriguée ; Pourvu qu’elle n’attrape pas la méningite !!!

Tu ne sais pas à quoi j’ai passé mon après midi aujourd’hui ? A chanter Faust et Fascination devant ta photo. Celle où tu es au téléphone, si bien qu’on aurait cru que tu m’écoutais. Quelle gamine !

lucien-telephone

En espérant que ce mot te trouvera en bonne santé, je t’embrasse mon petit chéri bien tendrement.

Celle qui t’adore,

Germaine

 

Creative Commons License