Tu vois d’ici la distraction

Le 18 Juin 1918

Mon tout petiot chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 16, où je vois que tu as appris la mort de ta pauvre grand’mère. Comme Suzanne, je m’en suis voulu beaucoup de vous avoir fait espérer à tort, mais  nous étions tellement loin de nous douter de ce qui allait arriver, que nous croyons bien à ce moment-là que ça allait aller de mieux en mieux. Elle réclamait à manger. Aussi nous pensions que ça allait tout à fait bien. Hélas ! nous nous sommes tous trompés. Après ces jours de mieux, ça n’allait plus du tout.

Je ne croyais pas que ma dépêche te serait parvenue plus vite qu’une lettre. Ce n’est pas de chance que tu te sois déplacé à ce moment-là, sans quoi tu l’aurais peut-être eu à temps. En tout cas, c’est très gentil de la part de ton nouveau capitaine d’avoir essayé de vous faire avoir une permission. Cela me fait grand plaisir, car je vois qu’il doit être très sympathique. Ce n’est pas ton ancien qui aurait fait ça.

Tu m’excuseras petit Loul de t’écrire un peu vite, mais je suis très pressée, j’ai une sale corvée à faire ! Aller porter une malle à la gare. La couturière est de passage à Paris pour quelques jours et m’a demandé d’aller avec elle porter sa malle et divers colis. Tu vois d’ici la distraction. Nous allons rester, je suis sûre, plus de 3h à faire la queue à la gare. La voici qui vient me chercher.

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je termine ces quelques lignes en t’envoyant mon Loul que j’adore mes meilleures tendresses et mes plus gentils baisers,

Mino

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