J’ai des idées baroques

Le 5 Décembre 1916 – 21h45

Mon petit chéri,

J’ai reçu à 19 heures la gentille lettre du 3. Rassure-toi, petit chéri, je vais beaucoup mieux. Aujourd’hui, je me suis levée de 13h30 à 18 heures. J’ai mangé comme quatre à midi. Une côtelette grillée, une purée et une orange. C’est bien pour une convalescente. A quatre heures, un sandwich avec du jambon et ce soir un potage, 2 oeufs-coque et un morceau de cake. Je ne peux guère mieux manger.

soupe-a-loignon

Si tu savais, depuis que j’ai demandé une soupe à l’oignon, tout le monde se moque de moi. Loulou n’a fait que m’attraper et m’appeler vilaine tantôt ! C’est bête, je le reconnais, mais puisque c’était une envie comme ça, il fallait me contenter. J’avais dit que si l’on ne me donnait pas ce que je voulais, je me jetais par la fenêtre. J’en avais pas du tout l’intention. C’était pour faire peur. En plus de ça, j’avais dit : Je suis chez moi ici, on doit me donner ce que je veux. Tu vois comme je suis difficile et que j’ai mes petits vouloir. Il parait que l’on doit te l’écrire que j’ai mangé une soupe à l’oignon. Ça ne t’apprendra rien puisque je te l’ai déjà dit dans ma précédente lettre. Et puis  je sais bien que tu ne me diras rien puisque je suis malade. C’est pas de ma faute si j’ai des idées baroques. D’ailleurs, je te l’aurais demandé à toi, tu n’aurais pas pu me le refuser.

Ce matin, il m’a pris une autre fantaisie. Je me suis coupée un grand bout de cheveux, à ma natte. J’ai trouvé ça idiot, après, mais c’était fait, je ne pouvais pas les recoller.

Je suis en train de penser que pendant que je suis au chaud à t’écrire, toi tu gèles sous ton espèce de couverture. Si seulement je pouvais te passer la moitié de mon édredon ! Je le ferais de grand coeur. C’est stupide en plein hiver de ne pas vous préserver mieux que ça. Quand j’irai te voir, j’emporterai une de mes plus chaudes couvertures. Je ne voudrais pas que tu prennes froid. C’est tellement pas gai d’être dans son lit !!!

Je vais terminer là pour ce soir, car je ne vois plus rien à t’apprendre de nouveau. J’espère passer une bonne nuit. donc à demain matin. Bonsoir, petit Lou chéri, un baiser sur tes lèvres que j’aime tant et je ferme les yeux en pensant à toi,

Germaine

Le 6 à 8 heures du matin –

Bonjour mignon Lou,

J’ai passé une très bonne nuit, j’ai dormi tout d’une traite jusqu’à l’instant. Je me sens vraiment bien ce matin. Il me semble que je pourrais me lever tout de suite.

Quel sale temps ! Je ne vois pas clair. Suzanne doit venir me voir en allant conduire Madame Sevette à son hôpital. Aussi je lui remettrai ce griffonnage.

J’espère avoir de tes nouvelles ce matin et j’espère que tu es un peu rassuré sur mon sort.

Dans cet espoir, je t’envoie mon mignon chéri les plus tendres baisers de celle qui t’adore,

Germaine

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