Tout le monde est ivre de joie

Le 11 Novembre 1918

Mon adoré chéri,

Enfin ça y est ! L’armistice est signée ! Je suis folle de joie. Mon Loul ne va plus se battre. Quel beau jour ! Il est tout de même arrivé, depuis si longtemps que nous l’attendions ! Comme j’ai hâte à présent d’avoir une lettre de toi mon chéri d’aujourd’hui. Afin d’être bien sûre que tu es en bonne santé et que tu ne bombarderas plus jamais. J’ai reçu ce matin tes lettres du 7 et 8. Cela fait des nouvelles de 3 jours. Vivement que j’en aie des toutes fraiches afin que je sois tout à fait tranquille.

Que je suis contente mon chéri. Depuis ce matin 9h½, heure à laquelle Gabrielle a téléphoné pour nous annoncer que c’était signé, je ne tiens plus de joie. Je suis comme une vraie folle. Je saute, je danse, je ris, je chante. Je ne me reconnais plus !

La nouvelle n’a été officielle qu’à 11h. Je suis sortie à 10h. Là, personne ne savait encore rien. Et moi, je riais ! Les gens ont dû me prendre pour une folle !

J’ai été faire une commission pour Maman, rue de Maubeuge. Je suis revenue à pieds par les boulevards, attendant impatiemment d’entendre les cloches et le canon. C’était superbe sur les boulevards. Je me souviendrai de ça toute ma vie. Toutes les maisons attachaient des drapeaux à la hâte. Ce n’était que rires et chants ! Les gens étaient fous de joie. Arrivée au Matin, on ne pouvait plus passer. Pense, on était en train de mettre la banderole.

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L’armistice est signée, la guerre est gagnée. Vive la France, vive les Alliés ! C’était alors du délire. Je suis restée plus d’un quart d’heure à la même place tellement il y avait du monde et j’ai crié et gesticulé comme tout le monde tant j’étais heureuse.Les_Grands_boulevards_le_jour_[...]Agence_Rol_btv1b53005594b_1

Quel beau moment ! Comme je pensais à toi, mon chéri à cette minute et comme j’aurais voulu que tu sois près de moi afin de partager ma joie ! Comme tu as dû être content aussi petit Loul en apprenant cette nouvelle. Vous avez dû fêter la victoire à votre escadrille ! Maintenant, vous n’allez plus rien faire. Comme vous devez être heureux. Pouvoir dire : “Enfin, c’est fini !” Ne plus se battre ! Encore quelques mois à patienter mon chéri, et tu me reviendras pour toujours. On ne se quittera plus jamais. Quel bonheur ! Comme je suis contente et comme nous allons être heureux !

Depuis onze heure, le canon retentit de temps en temps entre les cloches, souvent à toute volée. Comme c’est joli. Ce soir, il y aura certainement des illuminations, je crois que nous sortirons pour voir le boulevard. Tes parents sont heureux-heureux ! Nous avons fait sauter le bouchon à déjeuner. Et nous avons bu à ton prochain retour, ainsi que celui de Pierre.

On entend chanter dehors. Tout le monde est ivre de joie.

En attendant impatiemment des nouvelles de toi d’aujourd’hui me tranquillisant tout à fait, je te quitte mon Adoré chéri en t’envoyant en ce jour de la Victoire mes plus folles caresses et en déposant sur tes lèvres que j’aime tant mes plus tendres baisers.

Ta petite gosse qui a pleuré de joie,

Mino

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