Tout fait prévoir une fin prochaine

Le 10 Octobre 1918

Mon petit Loul Aimé,

Je viens de recevoir à l’instant ta mignonne lettre du 7 et je suis heureuse d’apprendre que le vilain cafard s’est envolé. Hier, n’ayant pas de nouvelles de la journée, je commençais à m’inquiéter, croyant que la vilaine bête te tenait bien fort et t’empêchait d’écrire. De plus, à la maison, nous sommes deux à présent à attendre impatiemment les nouvelles du front et dame ! lorsqu’il y a quelque chose pour l’une et pas pour l’autre, ça fait mal au coeur. Hier, c’est moi qui n’ai rien eu. Aussi, j’étais toute triste ! Ce matin, je me suis rattrapée puisque j’ai eu ta lettre et que Jeanne n’a rien eu.

Tu as raison petit chéri, ce n’est pas le moment d’avoir le cafard. Ça marche trop bien. On commence à voir un peu clair dans la situation actuelle. Tout fait prévoir une fin prochaine à présent. Comme toi, je ne pense pas que cela est pour tout de suite, mais j’espère bien pour le printemps prochain. Vivement la fin, que mon Coco Aimé me soit rendu et que je ne le quitte plus jamais. Comme nous serons heureux alors ! Dis mon Coco joli ? Comme je pourrai te faire enrager !!!… Ça sera terrible ! Pense chéri, des années entières, ça sera encore pire que 20 jours !!! Tu n’as pas peur, dis-moi mon Loul ? Et ne crains-tu pas d’être trop malheureux ? Je suis si méchante par moment, j’ai si mauvais caractère ! Toi au contraire, tu as un bon petit caractère, tu ne sais que faire pour me rendre heureuse et me faire plaisir. Tu es toujours de mon avis et tu fais tout ce que je veux. Comme je t’aime mon chéri ! Et comme je suis heureuse près de toi. Je ne te le dirai jamais assez. Tu es ma vie. Comme je voudrais te rendre tout le bonheur que tu me donnes ! Aussi, maintenant, je ne veux plus être méchante du tout. Je veux être aussi douce que toi. Je veux être une gentille sale gosse !

Pour le renseignement que tu me demandes chéri, au sujet du laissez-passer, je vais m’en occuper tout de suite, tu penses avec quel plaisir ! J’ai tellement hâte de te revoir et de me sentir dans tes bras, que si je m’écoutais, j’irais tout de suite voir mon commissaire. Je crois comme toi qu’une lettre de commerçante suffit.

Hier, le déjeuner chez ton oncle s’est très bien passé. Comme une petite sotte, j’ai oublié de lui demander de faire développer les photos de notre mariage. Heureusement, j’ai pensé à les demander à ta tante, qui m’a donné les plaques, plutôt les pellicules. Je vais en tirer sur papier.

mariage1

Henri a parait-il envie de se marier à sa prochaine permission. Il parait que c’est nous qui lui avons donné l’exemple. Il va se faire baptiser et communiera aussi. A Royan, il a été à la messe et il trouve ça très bien. Je crois qu’il trouve encore mieux certaine jeune fille qu’il a rencontré là-bas.

Sur ce, petit chéri, je te quitte bien malgré moi tu sais. Il est 11hm¼ et je n’ai pas encore fait ma toilette et je t’ai dit que j’allais déjeuner à la maison.

En espérant que tu es en parfaite santé ainsi que Pierre à qui tu présenteras les affectueuses amitiés de sa petite belle-soeur.

Je te quitte mon tout petiot en t’embrassant aussi tendrement que je t’aime. Ta toute petite gosse qui est folle de toi,

Mino

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