Pas de cerise, pas de popomme !!!

Le 15 Août 1918

Mon petit Coco chéri,

A ma grande joie, j’ai reçu hier soir 2 mignonnes lettres de toi. Celles du 11 et du 12. Je suis heureuse de te savoir toujours en bonne santé et toujours à Roissy. J’espère que tu as pu revenir à Paris faire tes emplettes. Je te donne vraiment du mal, petit Loul, avec ces pommes de terre. Je te dois beaucoup de cerises pour tout ce dérangement. J’espère pouvoir te les donner à mon retour.

Il ne nous reste plus que 2 jours à être ici et Dimanche nous partons à 7h45, aussi je pense bien te trouver à mon retour. Au reçu de cette lettre, ne m’écris plus ici. Les lettres mettent beaucoup de temps et je ne la recevrais plus assez tôt.

Comme tu me le dis petit Loul ! Cette année, je n’ai pas été favorisée pendant les vacances. Pas de Loul ! Donc pas de cerise, pas de popomme !!! C’est maigre !!! Les récoltes sont vraiment mauvaises ! Jusqu’aux mûres qui ne sont pas encore mûres !!! C’est la purée noire !

A midi, nous avons invité un poulet. Il était excellent, mais il avait un petit goût de trop peu. J’ai trouvé ma part un peu maigre.

Ce soir, nous allons déjeuner à la ferme. Demain, déjeuner au camp des Canadiens. Samedi, je suis invitée à déjeuner chez Mme Fleuriel et le soir nous allons prendre le thé chez une vieille demoiselle du pays. Il est temps que nous rentrions, sans quoi nous ne pourrions plus résister à cette vie de débauche !

Hier, la promenade des jeunes filles et de Monsieur Sevette s’est très bien passée. Ils n’ont pas pu visiter la Trappe. Moi, je ne regrette pas d’être restée ici. Je me suis bien reposée. J’ai été passer l’après-midi chez Madame Fleuriel et Mme Sevette a été à la ferme aider Mme Bois à enfiler des haricots pour mettre à sécher.

haricots

Ce matin, j’ai fait la lessive. J’ai lavé et repassé un corsage. J’en avais apporté deux, mais comme dans ma bûche je l’ai tout déchiré au bras, il ne m’en reste plus qu’un.

Ce soir, nous souhaitons la fête à Marie. Nous allons certainement boire un peu de liqueur de dame. Hoh ! lolo ! (prononciation du lieutenant canadien). Nous ne pouvons plus dire 2 mots sans ajouter hoh lolo !!!

Tout le pays sait que nous sommes invités au camp Canadien. C’est tout une affaire d’Etat ! Aujourd’hui, il fait encore très chaud. Pourvu que nous n’allions pas à bicyclette. Ce que je suis flemme !

J’aimerais mieux qu’il fasse moins beau. Je serais plus sûre que mon Loul ne vole pas. J’espère que la petite panne de l’autre jour n’a rien été et que ton coucou marche bien à présent.

En attendant impatiemment d’être Dimanche pour te revoir, je te quitte mon amour de petit Loul en t’envoyant les plus tendres caresses et les plus doux baisers de ta gosse qui t’aime à la folie,

Mino

PS : J’oubliais de te dire. Tes parents m’ont chargée de bien t’embrasser. Ainsi que Suzanne et Loulou, Mme et M. Lemonnier, Mme Magne et Louise te remercient de ton bonjour et t’envoient leurs bons souvenirs.

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