Lettre de Suzanne : Faire le bonheur de ceux qu’on aime

24 Juillet 1918
Mercredi

Ma chère petite Germaine,

Je reçois à l’instant votre longue lettre & les bonnes nouvelles qu’elle contient me font grand plaisir. Vous voyez que j’avais raison & qu’il suffisait d’oser demander. J’espère que Lucien sera content !

Mais ma petite amie, je vous assure que vous exagérez beaucoup l’importance de mon rôle dans cette petite comédie de famille. Il est bien vrai que j’étais prête à partir en guerre & à batailler pour vous comme s’il s’agissait de moi-même. Je n’ai pas eu cette peine, puisque Papa était tout disposé à donner son consentement.

Et puis petite Germaine, faire ce que l’on peut pour rendre heureux ceux que l’on aime, c’est se donner du bonheur à soi-même. Vous voyez que c’est très égoïste.

Suzanne utilise un papier à lettre de deuil. Elle a perdu sa grand-mère le mois dernier.
Suzanne utilise un papier à lettre de deuil. Elle a perdu sa grand-mère le mois dernier.

Je reconnais que vous avez la chance de tomber sur de beaux-parents très gentils. Papa & Maman sont très bons & je suis sûre que vous n’aurez jamais à vous plaindre d’eux. Mais je suis bien sûre aussi qu’eux n’aurons jamais à se plaindre de leur bru. Vous êtes si douce, petite Germaine, vous avez un si bon caractère doublé d’un coeur excellent, qu’il faudrait être bien méchant pour ne pas s’entendre avec vous. Alors si chacun s’efforce de son côté de bien faire, il n’y a pas de raison pour que l’union ne règne pas.

Ce qui vous me dites à propos de Lucien m’inquiète aussi. Après un pareil surmenage, il aura bien mérité un long repos. Je crois qu’en ce moment, nos soldats font des efforts merveilleux pour obtenir un résultat. Si seulement il pouvait être décisif !

J’ai bien reçu votre chapeau & je vous en remercie infiniment. Vous ne pouvez vous imaginer ma chère Germaine comme cela me rend service. J’étais à la torture avec l’autre. Mais si je ne manquais pas de courage, je devrais vous gronder pour y avoir mis un ruban. Ce n’était pas nécessaire & c’était plutôt à moi de le mettre. Vous l’avez posé avec beaucoup de goût & le nœud fait un petit effet amusant qui me plait beaucoup. Yvonne était partie Vendredi pour quelques jours à Paris. J’ai été agréablement surprise de la voir apparaître Lundi avec… Gaston naturellement, à qui je n’ai pas trouvé mauvaise mine. Il a pu avoir sa permission je ne sais pas comment & il est ici pour 7 jours.

Je n’ai pas été fâchée de voir revenir Yvonne, je m’ennuyais ferme ! Hier, j’ai été déjeuner à la ferme, un déjeuner sans cérémonie ! M. Bois selon son habitude nous a bien taquinées Yvonne & moi, cela a fait passer le temps. Mais je voudrais bien être au mois d’Août !

Gustave Bois
Gustave Bois

Mes amitiés à votre Papa & pour vous, ma chère petite amie, mes baisers les plus affectueux,

Suzanne

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