Ça ne fait pas mon affaire du tout

Le 3 Juillet 1918

Mon petit Coco chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 1er. Rassure-toi petit Loul, je suis moins fatiguée. A présent, je vais faire tout mon possible pour ne plus descendre à la cave. Comme j’ai réussi une fois à rester au lit, je ne raterai pas à la prochaine occasion d’en faire autant. Je ne cèderai plus. Cette nuit, j’ai très bien dormi et je me suis bien reposée. Il n’y a pas eu d’alerte.

Tu sais petit Loul, pour me lever à 10h le lendemain de raid, c’est tout à fait impossible. J’ai trop d’ouvrage le matin et cela me mettrait trop en retard. Je n’arrive déjà pas à faire tout ce que je voudrais en me levant à 7h. A plus forte raison en me levant à 10h. Si j’avais encore la femme de ménage, ça irait tout seul ! Je n’aurais qu’à m’occuper des commissions et du déjeuner. Mais là, j’ai le ménage en plus. Je vois bien en ce moment, j’ai beau ne pas m’amuser, j’arrive juste à être prête pour midi. Comment ferais-je si je me levais à 10h !!!

Ces jours-ci, j’espérais que la femme de ménage allait revenir (ça fait 4 mois qu’elle est partie). Eh bien, elle ne rentre pas du tout. Son beau-père a peur qu’elle ne puisse plus revenir. Est-il bête, ce bonhomme-là ! Alors comme elle est sans nouvelles de son mari depuis 6 semaines et qu’il est porté disparu, elle n’ose pas le contrarier et elle reste là-bas. Ça ne fait pas mon affaire du tout.

Tantôt je vais chez Charlotte Bussière qui est revenue de la campagne. C’est tout là-bas, à la porte de Champerret. A-t-on idée d’aller demeurer si loin ! Il faut au moins ¾ d’heure de métro.

malesherbe

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je te quitte mon petit gosse de gosse chéri en t’envoyant une foule de bien douces caresses de ton petit bébé qui t’aime de tout son coeur,

Mino

PS : Je suis un vrai bébé ! Lorsque j’écris, tu ne sais pas ce que je fais ? Eh bien, je suce mes doigts !!! Ceux de la main gauche naturellement. Après, je les mets sur mon papier. C’est très propre ! Ce qu’il y a de plus drôle, c’est que je ne m’en aperçois pas.

 

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