De l’audace, toujours de l’audace !

Le 26 Juin 1918

Mon tout petiot Aimé,

J’ai reçu ta mignonne lettre du 24. Ce n’est pas la peine de t’excuser, petit Loul, ni de me demander pardon pour un si petit oubli. Le principal est que le bas te soit bien arrivé. Je craignais qu’il soit perdu. Je les ai mis, bien certainement. Je les ai même porté toute une après-midi, pour aller dehors. Je les avais mis avec mes petits daims noirs et cela faisait très chic. C’est d’ailleurs la grande mode, les bas gris et les souliers noirs. On ne voit que ça. Ces deux teintes se marient très bien.

bas gris

Combien tu me dois de cerises, petit Loul ? Eh bien autant que tu voudras m’en donner , c’est à dire beaucoup ! Plus que ça, même ! N’est-ce pas mon Loul chéri ?

C’est aujourd’hui que je vais voir Madame Sevette, eh bien c’est très drôle, il me semble que je n’oserai pas lui demander ce que j’ai à lui demander. J’ai comme la frousse, ou plutôt la frousse qu’elle me dise non. Ça me ferait tant de chagrin à présent, que si je le savais, je ne lui demanderais pas. Tu vois comme je suis brave, mon Loul ! Si seulement tu avais pu mettre un petit mot chez toi à ce sujet, il me semble que ça serait moins difficile, mais là, c’est moi qui ai l’air de m’avancer, et cela m’ennuie. Enfin, c’est le moment de dire : “De l’audace, toujours de l’audace !” Je tâcherai d’en avoir.

Mon pauvre Loul ! Que vas-tu faire avec autant de livre que ça ? Tu vas attraper des maux de tête. Tu en as pour un bout de temps à bouquiner. 15f, ça représente déjà pas mal de livres. C’est du coup que je ne pourrai plus t’arracher de tes bouquins, lorsque tu seras près de moi. Je serai obligée de les confisquer !!! Suis-je méchante, n’est-ce pas mon Loul ?

A part ça, rien de nouveau à te dire. En espérant que tu es toujours en bonne santé, je termine mon gosse de gosse très chéri en t’envoyant une foule de bien tendres baisers de ta petite gosse qui t’aime follement,

Mino

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