Terrible accident d’auto

Le 17 Juin 1918

Mon petit Coco chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 15. Je pense que maintenant, mon petit Loul reçoit ses lettres régulièrement. Moi, je n’ai pas à me plaindre à ce sujet. En ce moment, tes lettres mettent à peine deux jours à me parvenir. C’est très joli par les temps qui courent.

D’après tes lettres, tu me crois partie à la campagne. Eh bien mon Loul, je suis toujours ici. Je n’ai pas changé de secteur. Toujours à Paris.

N’ayant toujours pas de réponse de Madame Fleuriel, et ne sachant où aller, mon père s’est décidé à passer ses vacances ici. Cela faisait huit jours qu’il était là. Il avait encore droit à une autre semaine, mais ce matin, il a préféré retourner à son bureau. Il s’embêtait à rester là. Il n’est pas content après Madame Fleuriel. Il se demande pourquoi elle ne m’a pas répondu. Entre nous, il y a de quoi. Voici 15 jours que je lui ai écrit pour lui demander si elle pouvait me recevoir. Mon père devait aller à l’hôtel. Elle ne m’a pas encore répondu. Elle aurait pu mettre un petit mot. Cela m’étonne beaucoup de sa part, car elle est plutôt stricte pour ces choses-là.

Cela m’ennuie car mon père pourrait croire que c’est moi qui ai manigancé quelque chose pour qu’il n’y aille pas. Enfin maintenant, ce n’est que demi-mal, puisque les vacances de mon père sont terminées. Dans le fond, je ne suis pas fâchée de ce qui arrive. J’avais très peur qu’en allant au Mesle, mon père apprenne notre séjour prolongé, soit par Mme Fleuriel, soit par les personnes de l’hôtel. Et cela m’aurait attiré pas mal d’ennuis. Comme cela, pas de danger.

Boeuf-noir-lemonnier

Hier tantôt, j’ai été aux Champs-Elysées avec Madame Schwab. Madame Sevette est venue avec Suzanne, la petite Berthe et ses enfants nous ont retrouvés.

Berthe hilaire et ses enfants
La petite Berthe et ses enfants. Berthe Garrier (née Hilaire) est la cousine de Berthe Petitjean, la mère de Lucien

Il faisait très bon. Nous aurions passé une assez bonne journée, sans un accident d’auto qui est arrivé devant nos yeux et dont nous avons été témoins.

Une auto américaine qui passait sur l’avenue, à vive allure, a eu un pneu de crevé et a fait une embardée terrible, accrochant une femme et la projetant par terre. Nous ne savons même pas si l’auto n’a pas dû passer dessus. On l’a relevé et enlevé immédiatement dans une ambulance américaine qui passait là, comme par hasard.

La voiture et le conducteur n’ont rien eu. C’est une chance qu’il n’y ait pas eu d’autres personnes qui traversaient à ce moment-là.

A part ça, rien de neuf à te raconter. J’ai oublié de te dire dans mes précédentes lettres que je t’avais envoyé un bas. J’espère que tu l’auras reçu et qu’il te portera beaucoup de bonheur.

En espérant que tu te portes bien ainsi que Pierre, à qui tu présenteras mon plus aimable bonjour, je termine petit Loul à moi, en t’envoyant les plus douces tendresses et les meilleures cerises de ton tout petit bébé qui t’aime bien bien fort,

Mino

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