Quelle sale pipelette !

Le 20 Mai 1918

Mon petit Loul chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 17 et je suis heureuse de te savoir bien rentré.

Je t’écris encore en courant. Loulou est venue tout à l’heure, à midi moins dix, me demander si je voulais aller avec elle et Madame Schwab aux Champs-Elysées. Je n’ai pas demandé mieux, puisque je devais rester là toute l’après-midi. Mais voilà, elle me donne rendez-vous à 1h½ et cela ne m’a pas arrangé du tout, vu que j’étais très en retard, m’étant lavée les cheveux avant déjeuner. Je viens de manger assez vivement et je te mets encore un tout petit mot. Mon pauvre Loul ! Que vas-tu penser de moi ? Je suis énervée, c’est effrayant ! Lorsque je me sens en retard et qu’il faut que je me dépêche, cela m’agace.

Pour me remettre, la pipelette vient de glisser à l’instant ta mignonne lettre du 18 sous la porte et il est midi 1 heure. Une lettre qui est arrivée à 10h. Vraiment, elle se moque de moi ! Elle s’est dit : “Je ne vais pas sonner, comme cela on ne saura pas à quelle heure je l’ai mise sous la porte.” Mais j’ai l’oreille fine et je l’ai très bien entendue. Quelle sale pipelette !

Sur ce, je te quitte mon Loul, pour aller arranger ma chevelure qui est plutôt en désordre. Je sens que je vais arriver chez Loulou en nage, tant il faut que je me dépêche.

Reçois de ta gosse qui t’aime follement, de bien doux baisers,

Mino

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