Le 14 Mai 1918

Mon tout petiot à moi,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 12. Moi qui espérais que tu avais passé une bonne journée avec Blachè. Ce n’est pas réussit puisqu’il n’est pas venu. Enfin, j’espère que ce n’est que partie remise et qu’un de ces dimanches, vous aurez le plaisir de vous rencontrer.

Sur Le Matin, on annonce que Guérin a été blessé. Et l’on a joint la citation donnant droit au port de la fourragère. Elle est en entier. Pas rédigée en trois lignes comme ce que je t’ai envoyé hier ! Et à la première page, s’il te plait !!! Aussi j’ai été très fière de la lire et de la voir si bien placée.

Hier, j’ai été chez toi. Madame Sevette m’a dit qu’elle avait eu des nouvelles de toi et de Pierre le matin. Bien entendu, c’était les mêmes que les miennes. Nous avons bien ri avec la photo que nous avions mis à l’envers, tous les deux. Tu te rappelles ? Madame Sevette s’était bien doutée que c’était nous.

Aujourd’hui, je ne sors pas et reste bien sagement à la maison. Je vais me lancer dans ma lingerie pour changer. Il n’y a que cela qui me distrait un peu. Et puis, lorsque je reste-là, je ne suis pas tout à fait seule puisque je bavarde avec mon Loul. Ça fait une grande différence avec une conversation de vraie, car il n’y a pas de cerise !!!

J’ai reçu une lettre de la couturière qui m’annonce son retour pour le 25. Aussi je suis bien content car je vais pouvoir faire ma robe avec elle. J’ai reçu aussi un mandat de 6f de Marie-Louise, mais pas de lettre. Dans sa dernière, elle me disait qu’elle avait 4 adorateurs là-bas : un homme de lettre, un docteur, un capitaine et un colombien. Elle se met bien ! Rien que ça ! Elle me dit que c’est roulant, mais ne me donne pas de détails. Cela va augmenter sensiblement le nombre de ses filleuls ! Quel type !

J’espère que les vilains s’hannetons (comme les s’Hongrois) se sont tous envolés et qu’ils ont été transporter leurs pénates chez les boches. J’espère aussi que ton vilain rhume a pris le même chemin et qu’à présent tu te portes à ravir.

Reçois mon Loul Aimé de bien douces tendresses et de bonnes cerises de ta petite gosse qui pense sans cesse à toi,

Mino