Suis-je trop gourmande ?

Le 11 Avril 1918

Mon tout petiot chéri,

J’ai reçu ce matin deux mignonnes lettre de toi, du 8 et du 9. Je suis heureuse d’apprendre dans cette dernière que tu as enfin reçu de mes nouvelles. Comme mon Loul devait s’ennuyer sans un petit mot de sa sale gosse depuis si longtemps !!! J’espère que maintenant tu recevras mes lettres régulièrement et que ton numéro de secteur ne changera plus.

Aujourd’hui, il fait très beau. Aussi je suis assez triste en pensant à toi qui doit voler !

Marie-Louise va un peu mieux ce matin. Elle n’a plus de fièvre. Ce n’est pas comme cette nuit. Elle a été tellement brulante que je ne pouvais pas la toucher sans avoir la sensation que je me brûlais. Pour avoir de la fraicheur, elle se mettait tout près de moi. Aussi, j’étais littéralement embrasée. De la voir ainsi, je craignais bien qu’elle soit gravement malade. Heureusement que ce matin, la fièvre est tombée. Comme il fait beau, nous allons en profiter pour sortir un peu. Nous allons aller chez elle, pour voir s’il y a du courrier. Ensuite, nous irons à la gare Montparnasse nous renseigner si les expéditions en grande vitesse sont reprises. Marie-Louise voudrait envoyer sa malle et sa bicyclette tout de suite à sa mère.

Dis-donc, mon Loul. Pourquoi Guérin est-il venu à Paris ? Il a bien de la chance ! Enfin, je ne lui en veux pas, puisqu’il a eu la gentillesse de m’apporter une lettre de mon coco. Je lui en suis même très reconnaissante, mais cela n’empêche pas que j’aurais bien voulu que mon Loul soit à sa place.

Mon tout petiot, moi je trouve pas que nous cueillons le maximum de cerises chaque fois que nous nous voyons !!! Si nous étions toujours ensemble, il me semble que nous en cueillerions beaucoup plus. N’es-tu pas de mon avis, mon petit chéri ??? Et suis-je trop gourmande ?

Sur ce, je te quitte mon mignon Aimé, pour aller faire notre petite promenade.

En espérant que ce mot te trouvera en bonne santé, je termine mon tout petiot adoré en t’envoyant une foule de bien douces câlineries de ta gosse qui t’aime follement,

Mino

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